Volume 20

Une plus grande collaboration entre les universités pourrait être bénéfique selon le professeur de sociologie à l’UdeM, Jacques Hamel. L’Observatoire du Mont-Mégantic est un bel exemple de collaboration entre l’UdeM, McGill et l’université Laval. (Crédit : Blog story/Flickr.com)

Des solutions au béton?

Construire de nouveaux campus est-il le seul remède au manque d’espace des universités? Si des universités comme l’UdeM se lancent dans des grands projets de construction, l’utilisation effrénée du béton n’est pourtant pas la seule option possible.

La multiplication des nouveaux pavillons universitaires et des campus satellites, comme celui de Laval ou le futur campus d’Outremont pour l’UdeM, a été décriée durant le « printemps érable » étudiant. Le professeur de sociologie à l’UdeM Jacques Hamel s’inquiète de cette fragmentation des universités qui « disperse la population étudiante » et nuit à «l’esprit de campus », à un coût considérable.

Entre 1997 et 2007, les dépenses d’immobilisation des universités québécoises sont passées de 333 millions de dollars à 691 millions, soit une augmentation de 108 %. « En sciences sociales, on n’a même pas d’argent pour faire de la recherche », s’indigne M. Hamel. Il doute de la pertinence de tous les investissements immobiliers.

 «Je ne suis pas convaincu que les universités ont des idées de grandeur », nuance de son côté le professeur à l’Institut d’urbanisme de l’UdeM, Paul Lewis. «Si on élimine l’îlot Voyageur, je ne connais pas d’autres grands projets immobiliers carburant à l’argent.» Il considère que les universités québécoises font face à un problème pressant de quantité et de qualité d’espace.

Modèle anglo-saxon

Mais si le boom de constructions de grande ampleur est nécessaire aux yeux de M. Lewis, il déplore tout de même que le patrimoine bâti soit négligé. «On retarde des travaux qui n’apparaissent pas majeurs. On finit par les faire quand on n’a pas le choix», explique-t-il. Les universités reçoivent de l’argent d’un côté pour leur fonctionnement et de l’autre pour les nouvelles constructions.

Pour le professeur de l’École d’architecture de l’UdeM et spécialiste en architecture et en patrimoine urbain Jean-Claude Marsan, la solution réside dans le modèle anglo-saxon d’expansion des universités, qui intègre selon lui un respect fondamental du patrimoine. « Il faut éviter la délocalisation continuelle! », s’exclame-t-il.

 À la manière du Massachussets Institute of Technology (MIT), M. Marsan croit que l’agrandissement des universités devrait se faire à même leur site actuel. «On est dans l’ère du développement durable. Cela se traduit par une densification et une meilleure utilisation des lieux», explique-t-il.

 «Allez voir le campus de l’Univer – sité McGill, suggère M. Marsan. Ils sont dans l’arrondissement naturel et historique du mont Royal. Ils préservent la nature, le patrimoine et font des pavillons qui sont remarquables.» À l’UdeM, le refus de s’atteler à développer le campus de la montagne et à préserver son intégrité par la conservation du 1420 Mont-Royal témoigne pour lui d’un comportement «complètement arriéré».

Il croit que l’ajout de pavillons supplémentaires sur la montagne pourrait très bien se faire tout en y accroissant les espaces verts. «L’UdeM a hérité du plan directeur La Haye des années 1960-70 […] dans lequel il y a une énorme perte d’espace et beaucoup de voies de voitures», détaille-t-il. L’élimination de la voiture sur le campus, le verdissement du chemin de la rampe et l’agrandissement du pavillon Lassonde sont pour lui des scénarios qui n’ont jamais été vraiment considérés par le rectorat.

Collaboration

M. Hamel pourfend également l’attrait de construire du neuf au détriment de la conservation du patrimoine. «Les universités sont devenues des entreprises qui se font concurrence pour accaparer la plus large partie du marché», soutient-il.

Comme les universités des pays européens, il pense qu’une plus grande collaboration entre les universités québécoises pourrait être bénéfique pour tous. Des efforts existent, comme l’observatoire du Mont-Mégantic, partagé par l’UdeM, McGill et l’Université Laval, mais ils demeurent insuffisants pour M. Hamel.

«Celui qui peut imposer des projets de collaboration entre les universités, c’est le ministère de l’Éducation », renchérit M. Lewis, qui souligne le rôle de vérificateur qui doit être exercé par le Ministère. « Peut-être que les universités n’ont pas toujours manifesté [assez de prudence] », dit-il, en insistant cependant sur l’essor récent des universités dans l’économie du savoir actuelle. «Mais s’il y a une dérive, c’est d’abord celle du gouvernement. C’est plus cela qui m’inquiète », tranche-t-il.

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