Volume 18

Des plans sous la moquette

On peut en faire des choses avec une piastre.

Dévorer un hot-dog à la Belle Province, inves- tir dans un bibelot inutile au Dollarama, télé- charger le titre If I were President : My Haitian Experiencede Wyclef Jean sur iTunes ou… devenir propriétaire d’une villa à Détroit. À ce prix-là, offrez-vous tout le pâté de maisons! Sauf que tout « incroyable mais vrai » apporte son lot de conditions. Dans ce cas-ci, il faudra agir en bon propriétaire et s’engager auprès des banques et agences immobilières à retaper ladite baraque qui n’est souvent qu’un tas de ruines. L’idée der- rière ces tarifs alléchants : repeupler le centre-ville et redorer la vie de quartier de Détroit, une ville délabrée qui n’est plus que l’ombre d’elle-même depuis la descente aux enfers de l’industrie automobile aux États- Unis. Comme l’affirme François Jacob, assis- tant-réalisateur du film Détroit ville sauvage : « Il faut avoir un esprit de survivant pour aller vivre à Détroit, mais en même temps c’est un milieu hyper stimulant ! » (p.10).En ce début 2011, vous sentez-vous l’âme d’un aventurier-propriétaire-bricoleur ?

En tout cas, l’aubaine a inspiré l’équipe du TIME Magazine, rejointe par une belle tripotée d’étudiants blogueurs qui ont investi une maison pour couvrir la ville sous toutes ses facettes. L’aventure s’est terminée en novembre dernier, mais on peut encore lire le fascinant récit de leurs pérégrinations dans le Detroit Blog(detroit.blogs.time.com). Et maintenant, qui va prendre le relais? Pourquoi pas notre chère université? Pourquoi ne pas investir une partie des pro- fits enregistrés par la vente du pavillon 1420, boulevard Mont-Royal, pour offrir à ses pen- sionnaires un camp d’expérimentation à Détroit? Cette Motown qui agonise après avoir été un des poumons économiques des États-Unis, inspirerait les étudiants en sciences humaines. Cette cité en ruine d’une beauté dramatique épinglerait les étudiants en art. Cette mégapole qui rétrécit alors que toutes les autres villes du monde s’agrandis- sent, constituerait un cas pratique d’urba- nisme sur lequel pourraient plancher les étu- diants en aménagement. Un bien joli terrain de jeu pour tout le monde, non?

Parlant de faire des plans sous la moquette (variante pessimiste de l’expression « plans sur la comète » : faire des projets sur des hypothèses souvent peu vraisemblables), mon auriculaire me dit que vous faites partie des 3,5 millions de Québécois qui ont pris de bonnes résolutions le 1erjanvier der- nier. Peut-être faites-vous aussi partie des 3,4 millions d’ingrats qui les ont abandonnées dès la première semaine. C’est pourquoi, pour son numéro de reprise, Quartier Libre a décidé de vous décomplexer. Vous n’avez pas arrêté de fumer ? La doctorante Fany Guis vous décul- pabilise en pointant du doigt les absurdités liées à la diabolisation de la cigarette (p. 6). Vous avez une pile de dossiers administra- tifs à envoyer qui traîne depuis bien trop longtemps sur votre bureau? Vous verrez que le temps est relatif, et qu’aux Philippines, les victimes du massacre de Maguindanao devront attendre encore et encore pour que justice leur soit faite (p. 11). Vous fuyez déjà vos travaux de début de session pour vous ruer dans les salles obs- cures ? Nos cinéphiles vous livrent les grands crus pour 2011 (p.17).

Après tout, il serait bête de ne pas profiter pleinement de cette dernière année avant la fin du monde.

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