Des jeunes branchés partout, sauf à l’université ?

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Par Jasmine Jolin
mardi 12 mars 2013
Des jeunes branchés partout, sauf à l’université ?
Le conseiller spécial au Bureau de l'environnement numérique d'apprentissage de l'Udem, Robert Gérin-Lajoie, et le directeur de la Maison des technologies de formation d'apprentissage Roland-Giguère, Jacques Raynauld.
Le conseiller spécial au Bureau de l'environnement numérique d'apprentissage de l'Udem, Robert Gérin-Lajoie, et le directeur de la Maison des technologies de formation d'apprentissage Roland-Giguère, Jacques Raynauld.

Les « natifs du numérique », la génération C, les jeunes de l’ère 2.0… Toutes ces appellations désignent la jeune génération, qui a grandi entourée d’ordinateurs. Utiliser les réseaux sociaux, bloguer ou encore publier des vidéos sur YouTube est facile pour ces jeunes. Ils ne sont cependant pas aussi à l’aise quand il s’agit de manier la souris dans le cadre de leurs études. 

L’étudiant en enseignement du français au secondaire Félix Bélanger-Robillard lance un regard critique sur sa génération. « Nous croyons contrôler les nouvelles technologies, mais je crois que bien peu d’entre nous savent vraiment en tirer parti, affirme-t-il. Ce n’est vraiment pas tout le monde qui est capable de bien gérer l’information numérique. »

Le Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO) à l’aide des technologies de l’information et de la communication (TIC) a mené à l’automne 2008 et à l’hiver 2009 une enquête sur l’utilisation des TIC chez les jeunes âgés de 12 à 24 ans.

Selon cette étude, bien que 91 % des répondants aient, en 2008, accès à internet haute vitesse depuis leur résidence, l’ordinateur est encore peu utilisé dans le cadre scolaire. Le vice-président aux mandats spéciaux du CEFRIO, Vincent Tanguay, attribue ce décalage au changement graduel qu’entraînent les TIC dans l’approche pédagogique. « Le livre imprimé a fait son entrée dans les écoles 200 ans après l’invention de l’imprimerie, note M. Tanguay. Les professeurs ont mis du temps à le voir comme porteur de savoir.» Internet modifie donc le rapport au savoir. «Une majorité des répondants, soit 63 %, affirme mettre sur un même pied d’égalité les connaissances acquises à l’école et grâce aux TIC », déclare la chargée de projet au CEFRIO, Julia Gaudreault-Perron.

Confronté à ce renouveau numérique, l’enseignant ne peut cependant pas se permettre de modifier sa façon de travailler en se basant seulement sur son intuition. « Il est normal que le professeur ne puisse pas immédiatement adapter son enseignement à la nouvelle appréhension du savoir de l’étudiant », affirme M. Tanguay.

Absence d’évaluation

Le manque des compétences en TIC des jeunes devient flagrant quand ils entrent à l’université. Selon le conseiller spécial au Bureau de l’environnement numérique d’apprentissage (BENA) de l’UdeM, Robert Gérin-Lajoie, des professeurs d’université cherchent à incorporer davantage les nouvelles technologies dans leurs cours. Ils s’attendent à ce que les étudiants sachent, par exemple, citer dans un travail leurs sources trouvées sur internet et faire des recherches plus poussées que de consulter l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Les jeunes se croient souvent capables de maîtriser ces compétences. Mais, dans la réalité, il existe « un grand écart entre ce que les étudiants croient qu’ils peuvent faire et ce qu’ils peuvent réelle- ment faire avec les TIC. »

L’insuffisante maîtrise des TIC par les étudiants trouve son origine au cégep. « Officiellement, c’est au cégep, dans le cadre de leurs cours de programme, que les étudiants doivent apprendre à maîtriser les compétences informationnelles et des TIC », affirme M. Gérin-Lajoie. Or, il n’existe pas réellement d’outil permettant d’évaluer si un cégépien a acquis ou non une compétence donnée. « La grande difficulté est qu’on n’évalue pas les compétences des étudiants directement et qu’on ne peut pas mesurer rapidement leur maîtrise des TIC », soutient le directeur de la Maison des technologies de formation d’apprentissage Roland-Giguère (MATI) et enseignant à HEC, Jacques Raynauld.

Solutions possibles

C’est avec l’objectif d’outiller les cégeps que le projet Certitude a vu le jour. En collaboration avec Cégep@distance, qui offre une formation en ligne et à distance, et le collège Jean-de-Brébeuf, la MATI a développé ce projet pour évaluer les compétences informationnelles et TIC des jeunes de manière automa- tique et efficace. Une banque de questions évaluant 50 habiletés à maîtriser sur Word et Excel a été mise sur pied. Ce questionnaire a ensuite été soumis à des groupes d’é- tudiants du cégep. « Ces outils Certitude serviront autant à faire un test diagnostic qu’à certifier les compétences des étudiants », note M. Raynauld.

Le projet Certitude n’est cependant pas la panacée pour assurer la maîtrise des compétences informa- tionnelles chez les jeunes. « Il n’existe pas d’approche miracle », indique Mme Gaudreault-Perron. D’après M. Tanguay, les enseignants doivent cependant proposer différentes manières de présenter le savoir pour maximiser l’apprentissage chez leurs élèves. « Par exemple, un même théorème de mathématiques peut être démontré à l’aide de plusieurs vidéos explicatives, affirme-t-il. De cette façon, l’étudiant voit la matière sous plusieurs angles et apprend mieux. »

La pédagogie inversée avec l’aide des TIC peut également être utilisée. Selon cette méthode, les étudiants apprennent la théorie par eux- mêmes grâce, entre autres, aux ressources informatiques. Ensuite, avec leur professeur, ils consolident leurs connaissances en faisant des exercices pratiques.

« Les étudiants peuvent négocier le plan de cours avec leur professeur pour introduire davantage l’utilisation des TIC dans l’enseignement », ajoute Mme Gaudreault-Perron. Du chemin reste donc à parcourir pour que les jeunes soient à l’aise pour utiliser les nouvelles technologies autrement qu’à une fin récréative. 

 

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Que sont les compétences informationnelles ?
Ce sont l’ensemble des aptitudes que doit développer une personne afin de savoir à quel moment elle doit trouver de l’information et de déterminer comment trouver cette information, l’évaluer et l’analyser. Les compétences informationnelles sont donc utiles autant dans le cadre universitaire, professionnel que personnel.

Que sont les compétences en matière des technologies de l’information et de la communication (TIC) ?
Ce sont l’ensemble des aptitudes permettant à une personne d’utiliser les nouvelles technologies pour trouver de l’information. Les compétences TIC sont étroitement liées aux compétences informationnelles.