Des étudiant·e·s français·es se tournent vers Montréal pour éviter Parcoursup

icone Societe
Par Alexia Boyer
mercredi 8 février 2023
Des étudiant·e·s français·es se tournent vers Montréal pour éviter Parcoursup
En France, les élèves du secondaire expriment en ce moment leurs souhaits pour leurs études supérieures via la plateforme Parcoursup, en espérant obtenir une place dans le programme choisi. Comme chaque année, l’inquiétude est au rendez-vous, car plusieurs redoutent que l’outil en ligne, mis en place par le ministère de l’Enseignement supérieur, joue en leur défaveur. Certain·e·s étudiant·e·s préfèrent alors traverser l’Atlantique plutôt que de risquer d’être déçu·e·s par l’algorithme de la plateforme.

Depuis le 18 janvier dernier, et ce, jusqu’au 9 mars, les élèves en classe de terminale (dernière année du secondaire) en France doivent remplir leurs vœux d’affectation dans l’enseignement supérieur sur la plateforme Parcoursup. Lancée en 2018 par le ministère de l’Enseignement supérieur, elle permet aux futur·e·s étudiant·e·s de premier cycle universitaire de remplir un dossier de candidatures dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur publics, ainsi que dans plusieurs établissements privés du pays. En France, l’accès à l’université est normalement garanti à tout·e détenteur·rice d’un baccalauréat (diplôme de fin d’études secondaires). Toutefois, un grand nombre de filières reçoivent bien plus de candidatures qu’elles ne peuvent offrir de places.

En plus de ces formations ouvertes en théorie à tous·tes, le système d’enseignement supérieur français dispose également de programmes sélectifs, tels que les classes préparatoires aux grandes écoles ou les écoles privées. Parcoursup intervient pour répartir les candidat·e·s dans l’ensemble des filières affiliées à son système. Cependant, si le tri des candidatures est relativement simple dans les filières sélectives, où il s’effectue au moyen de critères fixés par les établissements, celui dans les filières non sélectives se révèle plus complexe, car les établissements ne sont légalement pas autorisés à effectuer une sélection sur dossier. La version précédente du dispositif de sélection, Admission Post-Bac, avait ainsi recours à un algorithme de tirage au sort, ce qui avait soulevé beaucoup d’incompréhension. Parcoursup, pour balayer ces critiques, a recours à un nouvel algorithme censé mieux répartir les candidatures, mais le dispositif reste vivement montré du doigt pour l’opacité de son fonctionnement.

Depuis 2018 et la mise en place de Parcoursup, le nombre d’étudiant·e·s français·es inscrit·e·s dans un programme de premier cycle à l’Université de Montréal a augmenté. L’Université en a ainsi accueilli 2 219 à l’automne 2018 et 2 236 à l’automne 2022, bien qu’elle connaisse une baisse générale des inscriptions. Plusieurs étudiantes ont confié à Quartier Libre avoir préféré s’expatrier plutôt que de mettre leur avenir dans les mains de cet outil.

Algorithmes redoutés

« On voit des élèves avec d’excellents résultats n’obtenir de place dans aucune des formations demandées, alors que de moins bons élèves sont acceptés » dénonce l’étudiante de première année au baccalauréat en histoire Margaux Françon. Son amie Clarisse Hikoum, étudiante de deuxième année au baccalauréat en science politique, l’approuve. Cette jeune Française originaire de la Côte d’Azur a fait le choix de contourner Parcoursuppour faire ses demandes d’admission aux études supérieures, parce qu’elle redoutait les algorithmes de la plateforme dans les filières qu’elle souhaitait, en particulier les plus sélectives.

Scolarisées dans le même lycée en France, Clarisse et Margaux révèlent que leurs enseignant·e·s leur avaient déconseillé de ne miser que sur Parcoursup. « On nous disait que Parcoursup triait les dossiers avant même de les transmettre aux universités et aux écoles », confie Clarisse. L’étudiante avait alors songé à poser sa candidature dans des établissements français qui recrutent à l’extérieur de ce système, mais n’avait pas trouvé de programme d’études qui lui convienne. Elle avait donc décidé de se tourner vers l’étranger. « J’ai postulé dans plusieurs universités en Suisse et en Belgique, puis j’ai pensé au Canada », poursuit-elle. Acceptée dans les trois pays, l’étudiante a finalement opté pour l’UdeM. Elle retient également de cette expérience que constituer des dossiers de candidature plus approfondis l’a aidée à se projeter dans sa future université. « En France, on bâcle, parce qu’il suffit de cocher des cases sur Parcoursup », résume-t-elle.

Lettre et dossiers

L’une des nouveautés de la plateforme par rapport à Admission Post-Bac est que chaque candidature, même celle dans les filières non sélectives, doit s’accompagner d’une lettre de motivation. Toutefois, les étudiantes interrogées rapportent toutes avoir douté que celle-ci soit effectivement lue.

« En postulant à l’UdeM, j’étais certaine que mon dossier serait lu, contrairement à ce qui se disait sur Parcoursup, qui aurait trié les dossiers avant même de les transmettre aux universités », affirme Clarisse. L’étudiante de deuxième année en anthropologie Eva-Victoria Mecs-Veber partage le même avis. « Avec la plateforme Parcoursup et la nouvelle manière de postuler, je me suis vraiment rendu compte que les écoles allaient à peine lire ou même regarder les candidatures, témoigne-t-elle. Je n’avais pas envie de mettre autant d’efforts et d’énergie dans des lettres de motivation pour que ce soit un robot qui fasse le tri. » Clarisse et Margaux se remémorent d’ailleurs une anecdote qui avait fait les manchettes l’an passé : une jeune femme admise dans un programme d’études en droit et santé avait en effet révélé avoir transmis une recette de cuisine au lieu d’une lettre de motivation.

Par ailleurs, la plateforme Parcoursup, ayant l’ambition de ne pas départager les candidat·e·s sur leurs seuls résultats scolaires, demande aux candidat·e·s de joindre un CV et de remplir une section sur leurs activités parascolaires. « Tous nos loisirs se transformaient en cases potentielles supplémentaires pouvant constituer une valeur ajoutée à nos profils », déplore Eva-Victoria. « Je ne vois pas l’intérêt de me demander si j’ai déjà fait du babysitting », ajoute Margaux.

Échéancier serré

Le calendrier des candidatures et des admissions constitue un autre élément en faveur de l’UdeM chez les étudiantes interrogées. « En France, les réponses arrivent fin avril ou début mai, précise Clarisse. À ce moment-là, j’avais déjà mis beaucoup de temps et d’énergie dans mes démarches d’immigration au Canada, alors je voulais y aller. » Eva-Victoria ajoute que les candidats sur liste d’attente peuvent n’obtenir une réponse qu’en juillet, « après, il faut trouver un logement et faire toutes les démarches administratives avant septembre, c’est problématique », soulève-t-elle.