En France, les premières cours de récréation « non genrées » ont vu le jour. Les écoles du Québec repensent également à de nouveaux aménagements de l’espace de jeu afin d’y favoriser une utilisation plus « mixte ». Le professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM Roch Chouinard revient sur le rôle social de l’école dans cet apprentissage de l’égalité.
« Souvent, dans les écoles, on tombe dans des stéréotypes, en faisant faire aux garçons des activités qui plaisent aux garçons, et on en exclut les filles », affirme le professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM Roch Chouinard.
Le professeur se dit non favorable à des activités dédiées spécifiquement à un genre en particulier. « Avec cette façon de procéder, on tombe très rapidement dans des stéréotypes de genre, explique-t-il. C’est souvent le cas dans les écoles. Encore aujourd’hui, on va décider que les garçons aiment le sport, l’informatique, les ordinateurs, des choses comme ça. Mais des filles aussi peuvent aimer ça. » Il prône donc l’organisation d’activités non genrées dans le cadre éducatif.
Le terrain de soccer : le centre de la cour
« En France, il y a souvent un terrain de soccer prévu pour les garçons, au détriment des filles, précise M. Chouinard. D’ailleurs, ce sont souvent une minorité de garçons, qui excluent d’autres garçons et les filles de manière générale. » D’après lui, il faudrait empêcher que des lieux d’apprentissage et de récréation deviennent des lieux d’exclusion pour certains élèves.
« La mixité, ce n’est pas seulement mettre des garçons et des filles ensemble, ajoute-t-il. C’est aussi offrir aux élèves un ensemble d’activités où ils peuvent choisir en fonction de leurs intérêts, de leurs goûts. » Par exemple, d’après M. Chouinard, l’une des solutions serait de laisser des espaces pour les jeux de ballon, mais que les enfants soient sensibilisés au fait que ces espaces communs peuvent également être utilisés pour différentes activités et pas seulement le soccer.
Pour le professeur, comparativement aux écoles de France, celles du Québec ont moins tendance à former leurs cours de récréation en fonction du terrain de soccer, central dans la plupart des espaces de jeu français. « Je pense qu’ici, les aménagements sont différents, souligne-t-il. Dans de nombreuses écoles, il n’y a pas de terrain de soccer, je pense que c’est plus mixte au Québec. »
Une utilisation « mixte » des espaces
D’après M. Chouinard, l’aménagement de l’espace de jeu peut influencer les enfants sur leur vision de la hiérarchie des genres. « Dans certains endroits du Québec [voir photos], comme ça été le cas en France aussi, on a mis en place des infrastructures récréatives qui s’adressent aux deux genres et qui vont donc susciter une utilisation mixte », explique-t-il.
L’utilisation mixte des espaces peut, d’après lui, être une source de tensions entre les enfants. « Mais je pense que c’est justement grâce à ce genre de situation qu’on en vient à accepter l’autre, à mieux connaître l’autre et, finalement, à devenir des adultes capables de travailler avec le sexe opposé », déclare-t-il.
Pour le professeur, c’est ce que la société attend de l’école à l’heure actuelle. « Ce n’est pas de faire des gens compétitifs qui veulent absolument mener, mais des personnes capables de collaborer, de travailler en équipe et de résoudre des problèmes, affirme-t-il. Ça s’apprend et ça doit se montrer à l’école. »
Le rôle de l’école
« L’aménagement d’une cour d’école doit pouvoir accueillir tous les jeunes et leur offrir un milieu de vie leur permettant de bouger, d’avoir du plaisir et de socialiser, précise le responsable des relations de presse du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), Alain Perron. Les nouveaux projets d’aménagement intègrent autant que possible cette perspective, comme le suggère le nouveau guide du Ministère de l’Éducation. »
Le CSSDM affirme également être en train de réaménager des cours d’école afin d’aller dans le sens de ce qui se fait actuellement en France.
« Je pense qu’une société a tout à gagner de faire en sorte que, dès le plus jeune âge, les gens de tout sexe et de toute allégeance sexuelle puissent travailler ensemble, collaborer, conclut M. Chouinard. Les élèves arrivent à l’école avec déjà plusieurs stéréotypes, mais l’école les consolide et en développe d’autres. »Le professeur estime que des progrès ont été faits, mais qu’une véritable mixité n’est pas encore atteinte.