Quoi de mieux pour payer ses études que de trier des pancréas de porc ou de classer des munitions pour les forces de l’ordre? Portrait de deux emplois atypiques qu’ont occupés des étudiants de l’UdeM.
L’aliénation par le porc
L’abattoir Olymel de Vallée-Jonction, en Beauce, compte plus d’un millier de salariés selon le candidat à la maîtrise en urbanisme à l’UdeM Jérémie Vachon. «Pour y être embauché, il faut qu’un membre de la famille travaille déjà dans l’établissement, explique-t-il. C’est grâce à mon oncle que j’ai pu y travailler durant deux étés.» Cette usine d’abattage de porcs demeure, encore aujourd’hui, le plus important du Québec avec un volume de plus de 35000 porcs abattus par semaine. Jérémie y a passé de longues journées afin de payer ses études collégiales.
«C’est du travail à la chaîne extrêmement aliénant, on devient un automate, affirme-t-il. On passe huit heures par jour à couper des rates, trier des foies ou dérouler des intestins de porc.» Il raconte que, pour égayer l’ambiance, les employés chantaient en frappant sur la machinerie avec leurs outils quand les contremaîtres étaient absents. Ils lançaient aussi des vésicules biliaires de porcs sur les murs, les tapissant ainsi de jaune.
Cette expérience a convaincu le jeune Beauceron de poursuivre ses études. Il déplore que des personnes travaillent à l’abattoir alors qu’ils détiennent un diplôme universitaire. Travailler à l’abattoir s’avère pour eux plus payant que d’exercer un emploi dans leur domaine. «Déjà à l’époque, je gagnais 10,50 $/heure, alors que le salaire minimum tournait autour de 7 $, ajoute-t-il. Les employés permanents encaissaient facilement le double de mon salaire.»
Armé pour l’été
Alexandre Beaudoin a étudié au D.E.S.S. en environnement et développement durable à l’UdeM. Ce diplômé au parcours scolaire atypique s’est accordé un congé sabbatique et des études à temps partiel durant son baccalauréat en biologie à l’Université de Sherbrooke. Cela lui a permis de voyager et d’occuper des postes très variés comme réparateur de meubles chez Ikea et guide naturaliste dans les parcs nationaux. Cependant, son emploi le plus inusité demeure celui qu’il a occupé chez les Distributeurs R. Nicholls, un distributeur de biens pour les forces de l’ordre et agences de sécurité.
«Je revenais d’un voyage au Costa Rica et j’avais des dettes d’études à payer, alors je me suis présenté dans une agence de placement, relate-t-il. Le surlendemain, j’avais un emploi chez Nicholls, dans le quartier industriel de Longueuil, tout près du domicile de mes parents.» Il explique qu’il y a rapidement gravi les échelons grâce à sa rapidité d’exécution. Il devait au départ trier des munitions de toutes sortes ainsi que des uniformes de policiers.«Je triais même les sous-vêtements», dit-il.
L’entreprise l’a rapidement placé sur les commandes prioritaires, ce qui a permis à son salaire de grimper à 10 $ par heure. Il a ainsi pu rembourser ses dettes d’études accumulées. «Il y avait une pièce immense remplie de munitions, se rappelle-t-il. Il y avait même de grosses munitions pour abattre des éléphants, dont l’usage est illégal au Québec. Seuls certains policiers pouvaient se les procurer.C’est à se demander ce qu’ils faisaient avec ça.»
M. Beaudoin a adoré son passage de six mois chez Nicholls. «J’y ai rencontré des gens qui avaient peu ou pas d’éducation, et ce sont eux qui m’ont poussé à retourner aux études afin d’avoir un travail valorisant, confie-t-il. Je pensais souvent à eux durant les moments difficiles de mon baccalauréat.» Faute d’emploi en biologie pendant la saison hivernale, M. Beaudoin a également travaillé à la chaîne dans une usine de fabrication de panneaux de signalisation: Martec Signalisation Inc. « Ce type d’emploi m’a permis de décrocher de l’élitisme que l’on retrouve trop souvent dans le monde universitaire», commente-t-il.
Il a d’ailleurs récemment repris contact avec Martec Signalisation pour obtenir des poteaux sur lesquels il installera des nichoirs pour oiseaux, dans le cadre de son travail de conseiller en biodiversité à l’UdeM.