Jusqu’ici, le montant des droits de scolarité de la plupart des étudiants étrangers était fixé par le gouvernement. Les frais ainsi perçus étaient redistribués dans le réseau des universités québécoises.
L’an prochain, elles pourront déterminer elles-mêmes les montants forfaitaires de la scolarité pour les étudiants internationaux et conserver les frais payés. Selon la Nouvelle Politique du financement des universités présentée en mai dernier, l’objectif est « d’augmenter les revenus provenant des droits de scolarité des étudiants internationaux pour le réseau universitaire, tout en diminuant les coûts assumés par l’État. »
« L’État se désinvestit de sa mission de financer les services publics, observe le chercheur associé à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) Samuel-Élie Lesage. Maintenant, on fait dépendre le financement [des universités] de la fréquentation étudiante. » Selon lui, l’objectif principal de ce projet est de mettre en compétition les universités.
Peindre l’avenir des universités
Dans une simulation de l’IRIS datant d’octobre 2018, M. Lesage a tenté de peindre le futur visage financier de la gouvernance des universités québécoises. « Ce que l’on prédit, c’est que ces revenus supplémentaires là serviront avant tout à financer davantage la publicité et le marketing, dans le but d’accueillir davantage d’étudiants étrangers », détaille-t-il.
Son étude révèle que les grands gagnants de cette formule de financement sont les universités anglophones montréalaises. « La capacité des Universités McGill et Concordia à attirer les étudiants internationaux est plus importante que celle des universités francophones », précise le chercheur. Il est à noter que pour les universités francophones, la Nouvelle politique prévoit un financement du gouvernement de 9 000 $ par étudiant étranger.
M. Lesage estime que des inégalités sont donc à prévoir au en ce qui concerne financement des universités. Il ajoute que l’aspect financier n’est pas le seul point touché par cette mesure. « Ce dont on a peur, c’est qu’on vise de plus en plus d’étudiants et d’étudiantes anglophones dans une province francophone », s’inquiète-t-il.
Mobilisation étudiante
Différents regroupements d’associations étudiantes font également part de leur inquiétude, dont l’Union étudiante du Québec (UEQ). Le 25 juillet 2018, l’association nationale publie un avis sur la déréglementation des droits de scolarité des étudiants internationaux. « L’objectif principal était et demeure de voir le gouvernement reculer sur la question de la déréglementation, explique le président de l’UEQ, Guillaume Lecorps. Nous avons déjà réussi à démontrer les effets néfastes de la déréglementation partielle qui a eu lieu en 2008 (voir encadré). Ce qui en ressort, c’est principalement une iniquité dans la capacité de recrutement des universités [à l’international] ainsi qu’une instabilité du financement. »
L’association fait activement campagne contre le projet de déréglementation du gouvernement. « Cette formule ne va que renforcer la précarité des étudiants internationaux », regrette Guillaume.
La réaction des étudiants étrangers
« C’est possible que j’aie à quitter mes études », déplore l’étudiante à la mineure en arts et sciences à l’UdeM, Mia*. Originaire de Madagascar, elle se dit inquiète en ce qui a trait à ces changements, particulièrement au niveau financier. « Mes parents me paient mes études, ajoute-t-elle. Aujourd’hui, nous payons autour de 8 500 $ [par trimestre]. Si en septembre, cela augmente, ça va devenir compliqué. »
De son côté, l’étudiant en année préparatoire Aymane Alaoui Mdaghri a une position plus nuancée. Il considère que pour les universités, cette compétition peut être bénéfique. Selon lui, cela forcera les étudiants étrangers à être plus studieux. L’étudiant marocain émet cependant des doutes. « Individuellement, c’est plus compliqué, admet-il. De mon côté, je travaille pour aider mes parents, mais si le coût des études augmente, cela va faire un poids en plus. »
L’étudiante chinoise à la maîtrise en linguistique LongJing Chu constate pour sa part une certaine inégalité. « En tant qu’étudiants étrangers, nous avons moins de bourses et nous payons plus cher, souligne-t-elle. Je vais être obligée de travailler plus, ça va probablement me prendre plus d’énergie que les étudiants francophones pour réussir mes études. »
Le président de l’UEQ abonde dans le même sens et explique que les étudiants étrangers bénéficient de services plus restreints que les autres étudiants.
*Cette étudiante a préféré ne pas donner son nom de famille.