Cette année, Quartier Libre ne se mêle pas de l’Halloween, même s’il s’agit de l’événement le plus représentatif du mois.
Le mois d’octobre inspire toujours dégoût et effroi, sauf pour ceux qui apprécient pluies glaciales,vents hostiles et nuits qui commencent à s’éterniser.
À l’Halloween, des gens se transforment en quidam à la gorge tranchée, en rescapé de la guerre de Corée, en individu ensanglanté ou encore en squelette. Ce dernier costume me semble le plus approprié pour rappeler qu’on va encore se taper un hiver à avoir les os gelés.
Après l’Halloween, c’est novembre. Chez les catholiques, novembre débute par la fête des Morts. Après cela, tout est déprimant.
Le 8 novembre, c’est la Journée mondiale de la radiographie. Suivent ensuite la Journée mondiale des toilettes, la Journée mondiale du souvenir des accidents de la route et la Journée mondiale contre les broncho-pneumopathies chroniques obstructives.
Même les dictons concernant le mois de novembre ne sont pas enthousiasmants : «En novembre fou engendre, en août gît sa femme.»
Bref. Octobre se termine dans le faux sang afinde mieux nous ouvrir les portes sur le mois le plus mortel, gris, déprimant et décourageant de toute l’année.
Plus j’y pense, plus je me dis que novembre devrait être consacré mois du gouvernement Harper. En même temps, si c’était fait, novembre deviendrait sans doute carrément insupportable.
Au printemps passé, lorsque le parti conservateur a été élu de façon majoritaire, je me souviens très bien de ce qui nous est tombé sur la tête : de la pluie et un temps de merde pendant tout le mois. Trois jours après les élections, le soleil n’avait toujours pointé aucun rayon, les nuages commençaient de se déshydrater complètement et personnellement, je n’osais pas sortir de chez moi. J’écoutais des vieux succès de Martine St-Clair.
Le 2 novembre, c’est la fête des Morts. À la même date cette année, ça fera aussi six mois que le Canada est gouverné par un gouvernement Harper majoritaire, ce qui justifie amplement le choix du titre de cet éditorial.
Mais encore?
Parlant d’effroi, de dégoût, de mort et de Stephen Harper, autant ratisser bien large et évoquer aussi Jean Charest, de qui les Québécois ne sont pas contents. Ces temps-ci, les étudiants organisent plusieurs événements pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis, entre autres, de la hausse annoncée des frais de scolarité.
Comment parler de Jean Charest en sortant des sentiers battus ? C’est difficile, parce que je ne vais quand même pas commencer à feindre de l’aimer.
Essayons de le faire à la façon de Marie-Claude Lortie, journaliste depuis plus de 20 ans à La Presse. Marie-Claude Lortie, qui «commente l’actualité entre deux brassées de lavage et un match de soccer»*, se demanderait peut-être ceci : «Je ne sais pas en quoi se déguise Jean Charest à l’Halloween, mais j’aimerais biensavoir ce qu’il pense des costumes confectionnés à partir de fibres équitables.»** Elle dirait peut-être aussi : « Il est temps de se réveiller. De s’informer. De se scandaliser. De demander mieux. Bref, de faire de la fibre équitable un réel enjeu politique.»**
Jean Charest n’en a certainement rien à foutre des fibres équitables. Cependant, peut-être aimerait-il qu’on lui conseille un déguisement. Personnellement, j’ai une suggestion qui pourrait s’appliquer autant au chef du gouvernement provincial qu’à celui du fédéral.
Charest et Harper, même accoutrement
Au début de ce mois, je me suis retrouvée àl’Hôpital Jean-Talon. Ça sentait la mort. Une amie devait subir des radiographies, et elle était terrorisée à l’idée de se faire insérer des aiguilles dans les veines.
Une vieille dame est sortie de la salle de radiographie, elle venait de subir un scan cérébral. Elle s’est assise à côté de nous, elle avait les yeux jaunes à cause de l’iode qu’on lui avait injecté dans le sang. Elle riait, comme. Mais chaque fois qu’elle riait, on ne savait pas trop si elle n’allait pas plutôt pleurer.
Elle racontait que ça faisait quatre ou cinq ans qu’elle prenait « des pilules contre le cholestérol». En juin dernier, elle a commencé à avoir mal aux muscles des fesses. Puis, elle s’est mise à marcher comme si elle avait pris de la boisson.«Je marchais, puis là tout d’un coup j’allais à droite, puis là tout d’un coup j’allais à gauche », confiait-elle, en précisant que le matin, parfois, des femmes dans la rue lui lançaient des regards méprisants. Elle marchait tout croche, et elle ne bénéficiait même pas de l’euphorie éthylique, qui guérit temporairementtous les maux.
L’histoire, c’est que la vieille dame prenait depuis cinq ans des pilules contre le cholestérol. Elle racontait que ces médicaments agissent un peu comme des Pac-Man, à croquer le mauvais cholestérol. Quand il n’y a plus rien à gruger, les pilules continuent de gruger et peuvent s’attaquer, par exemple, aux muscles. C’est ce qui lui était arrivé, à la dame.
L’analogie entre le corps et la société n’est pas nouvelle. Mais saisissez-vous l’analogie entre Pac-Man et les deux chefs de gouvernement ? Moi oui, et je pense que les deux hommes devraient se déguiser ainsi à la fin du mois***. Pour une fois, me semble qu’ils nous feraient rire. Comme.
* Présentation du blogue de Marie-Claude Lortie sur cyberpresse.ca
** Citations librement inspirées de l’article«Un peu d’éthique dans votre assiette»de Marie-Claude Lortie, publié le 15 octobre 2011
*** On pourrait ainsi tous se déguiser en petits fantômes.