Culture

Découvertes musicales 2011

Pour éviter de vous perdre à travers la horde infinie de palmarès de fin d’année, Quartier Libre vous a concocté un harmonieux ramassis de révélations marquantes. Du R & B à la musique expérimentale, découvrez nos coups de coeur musicaux de l’année 2011.

Scène locale

par Vincent Allaire

CHARLIE FOXTROT Mise en abîme


 

 

 

 

Une seule note de guitare est jouée pendant 30 secondes. C’est droit au but que commence l’aventure de Charlie Foxtrot, alter ego inventé par l’auteur-compositeur de Québec, Guillaume Guité, sur Mise en abîme. L’album compte 10 chansons et s’écoute en moins d’une demi-heure. Pas de temps à perdre. On aime les guitares nerveuses et la batterie punk du quatuor.

On déplore la réalisation trop conventionnelle de Paul Cargnello, mais le réel intérêt, c’est le discours de Charlie. Les phrases assassines doublées d’ironie se suivent les unes aux autres. «Ostie que le monde est beige », « Enlève tes lunettes roses/et mets mes lunettes noires», et un commentaire, clin d’oeil au titre de l’album: «Charlie regarde sa vie passée/une bombe prête à exploser/y regarde sa vie passer sur le cruise». Le cynisme laisse place aussi à la critique sociale. « L’économie rock/l’économie roule/c’est nous les premiers dans la flotte/quand c’est votre bateau qui coule.» Charlie Foxtrot rejette les conventions et la société de consommation abrutissante.

Un album qui résume bien l’année 2011.

PAT JORDACHE Future Songs


 

 

 

 

Le Montréalais Pat Jordache, de son vrai nom Pat Grégoire, expérimente avec le lo-fi et enregistre Future Songs sur cassette. Ça sonne plus vrai que vrai, même sur CD ou en mp3. On se croirait dans un vieux studio d’enregistrement où tout craque de partout, mais où ça respire l’authenticité.

Les mélodies sont à la fois lancinantes et nerveuses. Pat Jordache, de sa fausse voix de baryton, fausse. Ce qui ajoute au charme, en apparence bancal de l’oeuvre. Les mots sont mâchés, presque incompréhensibles.

Ils servent plutôt d’instrument supplémentaire pour compléter le ton mélodique. On apprend, après quelques écoutes, à découvrir toute la richesse de cet album.

MONOGRENADE Tantale

Solide album de rock indépendant atmosphérique, que l’on réécoute sans se lasser.

PETER PETER Peter Peter

Poulain de l’étiquette indépendante Audiogram (Daniel Bélanger, Ariane Moffatt), Peter Peter offre une poésie introvertie sur des airs qu’on se surprend à fredonner après quelques écoutes seulement.

BRAIDS Native Speaker

Jeu de texture à la fois rock et électronique, Native Speaker nous amène dans un univers musical où l’on trouve plaisir à se perdre.

TIM HECKER Ravedeath 1972

Album de musique ambiante du vétéran Tim Hecker, Ravedeath 1972 est déconcertant et planant.

R & B

par Olivier Boisvert-Magnen

THE WEEKND Thursday


 

 

 

 

Oubliez le R & B classique des années 1990 à grand renfort de basse sensuelle et de paroles séductrices. Paru gratuitement sur le Web, Thursday met la table pour la nouvelle scène R & B canadienne. Le résultat est froid, aérien, souvent très sombre. Les chansons traitent de consommation excessive de drogue, d’échec amoureux, d’aventures d’un soir vite consumées.

Pour contraster, la voix angélique d’Abel Tesfaye (dit The Weeknd) se pose comme l’élément central de l’album, en fusion parfaite avec l’atmosphère minimaliste électro-soul. Des chansons comme l’épopée The Zone (cosignée Drake) ou la saga en deux volumes The Birds épatent par leur mélodie recherchée et leur production immaculée qui dépasse les six minutes.

FRANK OCEAN nostalgia, Ultra


 

 

 

 

Membre à temps partiel du collectif de rap le plus délinquant OFWGKTA, le Californien Frank Ocean épate avec ce premier maxi paru au début de l’année. Bien entouré à la production musicale, le chanteur peut compter sur la participation de Mr Hudson (There Will Be Tears, rythmée à souhait), Thom Yorke (Songs for Women, très soul), Chris Martin (la planante Strawberry Swing) et MGMT (Nature Feels, excellent hommage à Electric Feel).

Ce genre de moments forts compense le manque de concision. Difficile de ne pas bouger la tête et se laisser emporter par la cadence de Swim Good ou le soul endiablé de Novocane.

DRAKE Take Care


 

 

 

 

Avec son premier opus, Thank Me Later, Drake a réussi tout un exploit : conjuguer un triomphe commercial à un énorme succès critique. Paru en fin d’année, Take Care est dans la même lignée.

Les tubes potentiels se révèlent dès la première écoute. En ouverture, Over My Dead Body présente un Drake toujours aussi vantard, racontant avec assurance les péripéties de son récent succès. Au refrain, la Canadienne Chantal Kreviazuk épate par son timbre de voix senti. Shot For Me, qui suit, nous dévoile l’autre côté de Drake : le chanteur talentueux qui raconte ses échecs amoureux.

Composées majoritairement par le Torontois Noah 40 Shebib, les musiques marient textures électroniques minimalistes et rythmes hip-hop. Sur quelques plages, la révélation du R & B canadien The Weeknd, le producteur de la saga Blueprint de Jay-Z, Just Blaze, et la sensation indie pop anglaise Jamie xx viennent ajouter une touche originale à la direction musicale impeccable de ce classique instantané.

TERIUS NASH 1977

Pari réussi pour Terius Nash (dit The Dream) qui a fait paraître gratuitement cette mixtape sur Internet sans l’accord de sa compagnie de disques.

HOW TO DRESS WELL Just Once

Maxi orchestral qui explore le thème des rêves suicidaires sur des musiques magnifiques très touchantes.

THE WEEKND House of Balloons

Opus précédent d’Abel Tesfaye et tout aussi impeccable, House of Balloons a été défait par Arcade Fire au dernier prix Polaris, remis au meilleur disque alternatif canadien.

Expérimental

par Mathieu Mireault

DAVID LYNCH Crazy Clown Time


 

 

 

 

À l’âge de 65 ans, le cinéaste David Lynch présente son premier album, intitulé Crazy Clown Time, un opus expérimental qu’il décrit comme du blues moderne. Si elle se démarque plutôt par ses élans électro-pops, cette oeuvre permet d’imaginer à quoi ressemblerait une synthèse entre le son électro-minimaliste de Thom Yorke et l’expérimentation blues-rock de Tom Waits.

L’ensemble de ces mélodies enveloppe à merveille les histoires lugubres concoctées par David Lynch. Ces histoires souvent épurées et répétitives (I Know, Good Day Today), prennent parfois des allures de dissertations philosophiques comme sur Strange and Unpro – ductive Thinking.

À l’instar de ses films tels que Blue Velvet ou Mulholland Drive, plusieurs écoutes sont nécessaires pour apprécier Crazy Clown Time . L’album permet pourtant à ses admirateurs de renouer avec l’oeuvre de cet artiste culte qui n’a pas réalisé de film depuis 2006 .

SALLY PARADISE AOUU!


 

 

 

 

Originaires de la planète Mars selon la biographie de leur site officiel, ces artistes extraterrestres ont élu domicile à Montréal. Leur premier disque AOUU! est un chef-d’oeuvre difficilement saisissable, entre ce que certains critiques définissent comme du psych-pop-no-future et du chillwavecore.

Majoritairement douces et vaporeuses, les chansons de AOUU! ont tout de même assez de groove pour donner le goût de danser en apesanteur. L’ensemble est beaucoup plus accessible que L’ascension du mont Shing, le dernier maxi du trio, ce qui permet de croire que le groupe est finalement prêt pour une tournée intergalactique. Des chansons telles que Le vol des ciseaux-oiseaux ou Je n’aime pas danser frôlent la musique pop, mais gardent la marque de commerce déjantée du groupe.

TECHNICOLOR YAWN Youth Rituals II

Ensemble de bruits planants qui, selon l’artiste lui-même, est fortement inspiré de cassettes japonaises trouvées dans des sous-sols d’églises.

TANDOORI KNIGHTS Curry up It’s the Tandoori Knights

Album paru à la fin de 2010 qui permet de mieux imaginer à quoi ressemblerait un sitar électrique avec de la distorsion à fond la caisse.

SEAN NICOLAS SAVAGE ET KOOL MUSIC Won Ton Jaz

Cassette de disco psychédélique, avec un côté marqué par les mélodies funèbres de Kool Music et l’autre par les chants burlesques de Sean Nicholas Savage.

PAULA Relaxed Fit

Élan punk sous influence de synthpop pour ce nouvel artiste solo qui avait conquis le Mile End avec son défunt groupe Silly Kissers.

 

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