Quartier Libre (QL) : En quoi consiste cette nouvelle méthode ?
Loïc Binan (LB) : J’utilise un laser afin d’accrocher des molécules fluorescentes à la membrane des cellules, ce qui facilite leur observation au microscope. Lorsqu’on travaille avec un tissu fait d’une multitude de cellules, le fait d’en rendre une fluorescente permet de mettre en évidence ce qui nous intéresse. C’est utile aussi lorsqu’on digère un tissu en cellules individuelles, qui ont toutes, après coup, le même aspect.
QL : Quelles sont les applications potentielles ?
LB : Le cas le plus évoqué est celui du cancer. Par exemple, dans une tumeur, quelques rares cellules vont se mettre à bouger et à se déplacer dans le corps pour causer des métastases. Ces cellules sont différentes des autres, mais on ignore pourquoi. Avec notre laser, on peut rendre fluorescentes celles qui bougent le plus, digérer le tout, extraire les cellules colorées, séquencer leur information génétique et tenter de comprendre ce qui les distingue. Cela dit, on est loin d’avoir guéri le cancer !
QL : Existe-t-il d’autres applications ?
LB : La méthode s’applique à toutes les maladies causées par un petit nombre de cellules défectueuses, telles que les maladies auto-immunes. Elle pourrait aussi faciliter l’étude des problèmes de développement en permettant de suivre certaines cellules au fil de la croissance d’un organisme vivant. La recherche sur les maladies neurologiques, comme l’Alzheimer et le Parkinson, est également concernée.
QL : Quelle est l’action du laser sur la cellule ?
LB : Le laser n’affecte pas la cellule directement, mais bien la molécule fluorescente sensible à la lumière. L’idée, c’est de « trop » exciter cette molécule grâce au laser, de sorte qu’elle se casse. Une fois cassée, elle cherchera à se reconstruire avec ce qui est à sa portée donc si je focalise le laser sur la membrane d’une cellule, la molécule se réparera en utilisant un morceau de la membrane et s’y retrouvera collée.
QL : Comment a commencé le projet et où en est-il ?
LB : Dans mon projet de doctorat initial, j’utilisais le laser pour créer des « dessins » de molécules sur du verre afin d’étudier le mouvement des cellules sur cette surface. Je me suis aperçu que je n’étais pas limité au verre et que je pouvais aussi « dessiner » sur la membrane des cellules. Au départ, nous avons testé la méthode sur des couches de cellules simples en 2D, mais depuis la publication de notre article en mai, je travaille sur des cultures tridimensionnelles, qui sont un peu plus complexes que des monocouches de cellules, et des tissus tirés d’organismes, en l’occurrence des rétines de rats. Ce n’est pas encore publié, mais cela s’applique à la 3D aussi.