Volume 18

De Varadero à La Havane en couchsurfing

la nouvelle génération de Cubains envisage le tourisme comme une opportunité d’entrer en contact avec l’étranger, d’apprendre sur un monde qu’elle côtoie, mais qu’elle ne peut pas visiter. Couchsurfing, Facebook, forums sociaux : les Cubains sont de plus en plus nombreux à chercher un moyen de faire des rencontres.

Photo: Émilie Couture-Brière

«C’est notre seul moyen de voyager, d’apprendre sur l’étranger », dit Maddiel, étudiant cubain en physiothérapie à La Havane. «Vous savez sans doute que, pour nous, il est strictement interdit de quitter l’île… Depuis que je suis inscrit sur Couchsurfing, je rencontre des gens de partout: France, Canada, Australie, Mexique et même États-Unis.»

Photo : Johnny Pinball

Des réseaux comme Couchsurfing (site Internet dont le but est de mettre en contact les voyageurs et les communautés locales) voient s’inscrire de plus en plus de membres cubains qui, en dépit d’offrir le gîte, puisqu’une telle activité est strictement interdite par l’État, offrent leur temps pour prendre un verre, un café ou tout simplement pour faire visiter leur quartier.

Photo : Johnny Pinball

« Je ne peux pas te dire comment j’accède à Internet, mais bon, j’ai des connexions… si tu vois ce que je veux dire [rires] », confie Maddiel. Plusieurs Cubains trouvent le moyen d’utiliser régulièrement Internet, bien que ce genre d’activité soit hautement surveillée et réglementée par le gouvernement Castro.

Fenêtre sur le monde

La plupart des couchsurfers sont de jeunes professionnels, des gens très scolarisés qui cherchent une fenêtre sur le monde, de l’information venant de l’étranger. «Je ne veux pas que les gens me confondent avec des “jinateros”, ces hommes accrédités par le gouvernement qui proposent de vous guider à travers la ville, mais surtout, de vous extirper le peu de pesos que vous avez. Je passe du temps avec les étrangers parce que je suis curieux, parce que ça me divertit et parce que ça me change de la réalité», dit Alberto, couchsurfer rencontré près de Varadero.

Pour le touriste, l’avantage de ce type de rencontre est de connaître rapidement les meilleures adresses : où aller danser, où aller manger, quoi faire et quoi éviter. Outre ses plages, Cuba est une mine d’or en matière de culture… Si vous prévoyez un tour de l’île, votre nouvelle connaissance n‘hésitera pas à vous recommander un endroit simple et économique où vous pourrez loger. Ce n’est pas toujours facile de trouver un toit en dehors des grands centres hôteliers.

Casas particulares

Le gouvernement cubain est très clair: il est interdit pour la population locale d’héberger qui que ce soit, sauf la famille rapprochée. Seule exception à la règle: les casas particulares.Depuis 1997, le gouvernement Castro a ouvert une brèche en permettant un accès, bien que contrôlé, à la propriété privée. Les casas particulares, version cubaine du Bed & Breakfast, permettent un échange culturel enrichissant.

Photo : Johnny Pinball

C’est d’ailleurs là l’intérêt premier des Cubains qui offrent l’hospitalité aux étrangers. «Depuis que nous avons le droit d’exploiter une casa particular, mon mari et moi rencontrons des gens de partout à travers le monde», dit Lula. «Je prends en note les coordonnées de chaque personne que je rencontre. D’abord parce que le gouvernement exige toutes sortes d’informations sur les étrangers que nous fréquentons, mais aussi parce que c’est mon seul lien avec l’extérieur. Un jour, je les reverrai… enfin, je l’espère…»

Photo: Émilie Couture-Brière

Loin des grands complexes hôteliers, le touriste est reçu dans une maison familiale typique. Pour environ 20-25 CUC [Peso cubain convertible] par nuit (sensiblement la même valeur en dollars canadiens), on vous offre une chambre ultra propre, une salle de bain privée et, moyennant quelques pesos de plus, un souper de riz, de poulet et de plantains poêlés. Ce genre d’ambiance permet de découvrir le mode de vie cubain et d’échanger avec les gens qui habitent la région.

À Cuba, l’hébergement chez le résident est beaucoup plus qu’une simple industrie. C’est une manière de briser l’isolement dont les Cubains se sentent de plus en plus prisonniers. Cela leur permet aussi d’obtenir une autre forme d’information que celle qui circule à la radio, à la télévision ou dans le Granma, seul et unique journal dans lequel Castro et son parti signent la quasi-totalité des articles. « Pour exploiter une casa particular, il faut payer un permis et des taxes exorbitantes au gouvernement. On a seulement le droit d’offrir deux chambres à la fois. Ce n’est même pas si rentable que ça», affirme Lula.

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