«À l’université, les stéréotypes de genres me semblent plus puissants chez les hommes aujourd’hui, explique le vice-recteur adjoint aux études supérieures, psychologue et doyen de la Faculté des études supérieures et postdoctorales, Roch Chouinard . Ainsi, il est plus fréquent de nos jours de voir des femmes en droit ou en génie que des hommes en sciences infirmières. »
Chez les femmes qui fréquentent l’UdeM, l’acceptabilité sociale semble avoir progressé en ce qui concerne le domaine d’études. « Peut-être que dans les cinquante dernières années, on a fait des avancées plus importantes du côté des femmes dans le combat du stéréotype », propose le psychologue.
Les stéréotypes sont des images simplifiées qui, dans certains cas, seraient nécessaires à la compréhension du monde dans lequel on vit. « Dire que les femmes préfèrent certains programmes, c’est un stéréotype de genres qui peut être statistiquement vérifiable », insiste le psychologue.
Les stéréotypes peuvent d’ailleurs être semblables dans différentes cultures. « En ce qui concerne les étudiants qui viennent d’Afrique, on dirait que leurs parents envoient plus les hommes que les femmes vers les sciences économiques et vers le domaine des affaires, perçoit l’étudiante en sciences économiques Garba Samia. Les femmes comme moi doivent lutter plus fort contre les stéréotypes pour suivre ce programme ». Le programme de sciences économiques accueille 63 % d’hommes.
Cependant, la décision de suivre un programme reste avant tout un choix personnel.« On entend souvent que les femmes préfèrent des domaines d’études de relation d’aide, estime M. Chouinard . À mon avis, les différences entre individus sont plus importantes que celles entre genres. »
Symptômes du passé
Pour certains, c’est la coutume qui influence l’orientation vers un domaine d’études. « Généralement, les plus jeunes se font conseiller par leurs aînés, donc si la culture et la mentalité n’ont pas suffisamment évolué au cours des années, il est probable que la situation perdure », croit l’étudiant au programme compléments de formation, Benjamin Lonkeng Sonkwe.
À l’UdeM, le programme de sciences infirmières a tendance à être fortement fréquenté par le genre féminin. À l’automne 2013, 1 464 femmes étaient inscrites contre 203 hommes. « Si l’on prend les soins infirmiers, on a l’impression que ça ressemble à la maternité, c’est-à-dire quelqu’un qui prend soin d’un autre être », juge Benjamin. Les différences biologiques entre sexes entretiendraient ainsi certaines croyances.
La création de programmes plus professionnels a historiquement favorisé l’intégration des femmes à l’UdeM, un établissement jadis exclusivement masculin. « Dans les années 1950, certains programmes plus professionnels ont été créés, rappelle la professeure au Département d’histoire de l’Université du Québec à Rimouski Karine Hébert. Les filles vont investir ces nouveaux programmes étant donné qu’il n’y a pas de tradition masculine qui y est rattachée, contrairement à la médecine ou au droit. »
La croyance selon laquelle plusieurs programmes ont été et sont encore réservés aux hommes est remise en question. « Traditionnellement, les femmes sont moins représentées dans les programmes spécialisés en sciences, en technologies, en mathématiques et en génie, expose Roch Chouinard. Pourtant, elles ont autant intégré la matière que les hommes l’ont fait, mais en alliant ces sujets à d’autres disciplines, comme la médecine et la psychologie, où la connaissance des sciences et des mathématiques est primordiale. »
La surreprésentation d’un genre n’est pas sans conséquence, rappelle M. Chouinard. « Par expérience, notamment en sciences de l’éducation, il y a adaptation du comportement de l’individu selon la mixité ou la non-mixité, relate-t-il. Dans des domaines stéréotypés, le sexe moins bien représenté peut avoir tendance à poser moins de questions par exemple. Par contre, ces comportements tendent à diminuer avec les années. »
Pourtant, le doyen pense qu’il ne faut pas s’attendre à une répartition par programme parfaitement représentative de la société. « Je ne crois pas que ces stéréotypes disparaîtront complètement, mais ils tendront certainement à moins se faire sentir à l’avenir », dit le psychologue. Aujourd’hui, 65 % des étudiants de l’UdeM sont des femmes.
