Volume 26

Le président du Syndicat des chargés de cours

De l’ombre au clair-obscur

« Certains décideurs ont la prétention de dire que les chargés de cours font ça pour le plaisir, qu’ils ont un autre travail à côté, explique la directrice des communications de l’ACPPU, Valérie Dufour. On voulait vérifier cela. » L’Association a publié en septembre une enquête baptisée « De l’ombre à la lumière : les expériences du personnel académique contractuel » auprès de chargés de cours dans tout le Canada. Il est à noter que le Syndicat des chargés et chargées de cours de l’UdeM (SCCCUM), comme d’autres syndicats de chargés de cours québécois, n’a pas participé à l’étude de l’ACPPU. Il s’agit d’une première pour évaluer la situation d’un corps professoral au sujet duquel il existe peu de données. « On a découvert qu’en fait, c’est plus de la moitié des répondants qui voudraient un poste permanent », ajoute-t-elle.

Si l’ACPPU milite pour l’augmentation du nombre de postes de professeurs permanents, le SCCCUM croit plutôt qu’il doit y avoir des aménagements profitables à tous. « L’ACPPU oriente les résultats de ce sondage à son avantage, pas à celui des personnes précarisées, estime le président du SCCCUM Pierre G. Verge. Elle y trouve les arguments à la promotion de la seule augmentation du nombre de postes de professeurs. »

Le syndicat se méfie des visées du rapport de l’ACPPU dans l’infolettre adressée par le président aux membres le 7 septembre dernier. « Nous ne permettrons pas que cela [un réinvestissement dans l’enseignement] se fasse en cassant du sucre sur le dos des chargés de cours, en niant que l’amélioration de conditions de travail de celles-ci et de ceux-ci doit avoir la priorité », écrit-il. M. Verge ne conteste pas qu’il faut une masse critique de professeurs dans les universités, mais assure que les chargés de cours sont là pour rester. « En tant qu’enseignants, les professeurs et les chargés de cours ont des rôles complémentaires, soulève-t-il. Nous prônons un réinvestissement permettant d’améliorer le sort de ces derniers. »

Une situation précaire

Le président du SCCCUM affirme ne pas être étonné des résultats du rapport. « Nous sommes bien au courant du stress occasionné par la précarité d’emploi », explique-t-il. Du même souffle, il précise que la lutte pour de meilleures conditions semble plus avancée au Québec qu’ailleurs au Canada.

L’agent de relations de travail du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQAM (SCCCUQAM), Robert Drouin, s’inquiète de la situation. « Il y a un chargé de cours dans la soixantaine qui m’a dit qu’il n’aurait plus de cours à cause des nouveaux professeurs engagés, qui ont priorité malgré son ancienneté », raconte-t-il.

En Ontario, le chargé de cours en littérature au Collège militaire royal du Canada Pierre-Luc Landry témoigne d’un problème similaire. « Ça fait cinq ans que je vis dans un minuscule appartement parce que je ne sais jamais si j’aurai des cours de nouveau l’année d’après, raconte celui qui enseigne dans la seule université fédérale du Canada. Je n’ose pas investir ni faire des projets à long terme. »

En plus du jeu des demandes d’emploi lors de chaque rentrée scolaire, il est payé 9 à 10 mois par année, ce qui l’oblige à demander des prestations de chômage pendant l’été ou à trouver un emploi estival. Le chargé de cours est représenté par l’Association des professeurs des collèges militaires du Canada, qui est signataire d’une convention collective.

Cercle vicieux

Le président du SCCCUM avance que l’accès d’un chargé de cours au professorat est très difficile. « On ne reconnaît pas leur expérience d’enseignement au même titre que celle des autres candidats, dénonce M. Verge. En plus, ils n’ont pas de fonds de recherche. C’est un cercle vicieux. » Le SCCCUM propose des clauses passerelles pour les chargés de cours qui ont toutes les qualifications pour devenir professeurs et qui souhaitent le faire.

Il avance que plusieurs sont des experts ou des professionnels, dont l’expérience et la connaissance du terrain est irremplaçable, en particulier dans les programmes à vocation professionnelle. « Ils méritent le respect, lance M. Verge. Or les professeurs ne manifestent pas aux chargés de cours le respect dû à des collègues enseignants. Ils se moquent de leur précarité. » Selon lui, plusieurs y participent quand ils accèdent à la direction des unités. « Quant à l’UdeM, elle respecte minimalement ses chargés de cours, mais elle ne défend pas suffisamment leur importance auprès des départements et des facultés », ajoute-t-il.

De son côté, le chargé de cours Pierre-Luc Landry, qui travaille au Collège militaire royal du Canada, se désole de ne pas avoir le choix des cours qu’il enseigne. « On donne les cours que les professeurs ne veulent pas, qui sont souvent obligatoires et moins appréciés des élèves, explique-t-il. Ça paraît dans nos évaluations et notre dossier. En plus, j’enseigne des classes qui sont loin de mon expertise. Tout ça affaiblit mon dossier quand j’applique sur un poste de professeur ».

La situation est semblable à l’UQAM, où les professeurs ont beaucoup de pouvoir, estime M. Drouin. « Dans le comité de programme, les chargés de cours n’ont pas le droit de vote, explique-t-il. La direction de l’Université a accepté de changer le règlement, mais on attend depuis 6 mois que les professeurs l’entérinent.» Selon lui, l’expertise des chargés de cours devrait être reconnue lorsqu’ils postulent pour devenir professeurs. Il se désole que l’ancienneté ne garantisse pas leurs revenus, et précise qu’il s’agira d’un des enjeux des prochaines négociations de leur convention collective en 2019.

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