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Photo : Courtoisie Yan Hu

De la souris à l’homme

Quartier Libre : Sur quoi porte votre recherche ?

Yan Hu : Nous nous sommes concentrés sur la fonction des lymphocytes T, une population de cellules immunitaires qui répondent aux changements de notre environnement immédiat. Plus particulièrement, nous avons étudié un nouveau gène baptisé Armc5 – Armadillo repeat contraining 5 –, très important pour les cellules T et leur réponse aux changements. Lorsque l’on invalide ce gène des cellules T, leurs réponses ne sont plus adéquates face aux stimulations extérieures, elles se reproduisent de moins en moins, et ne fournissent plus l’arsenal nécessaire aux combats contre les agents pathogènes et qui leur permet de rester en vie.

Q.L. : 10 ans après le début de cette recherche, quelles étapes et événements-clés ont jalonné votre parcours ?

Y.H : Il a d’abord fallu identifier le gène problématique. Nous avons remarqué que certaines souris mouraient avant de naître. Avec un gène Armc5 invalidé, plusieurs naissaient tout de même, mais plus petites que les souris normales. Nous avons alors compris que ce gène était le plus exprimé dans les cellules T, mais le lien avec le système immunitaire n’était pas clair.

Pour arriver à le comprendre, nous devions continuer d’analyser les souris « rejets » vivantes. Trois jours après leur naissance, elles souffraient déjà de malnutrition, donc on a trouvé un moyen pour que la mère continue de les nourrir et qu’elles survivent. Cela nous a permis d’examiner leur système immunitaire de toutes les façons envisageables. C’est vraiment lorsque nous avons stimulé ces souris « rejets » in vitro que nous avons eu plus de temps pour faire des analyses et constater que les cellules T ne répondaient pas adéquatement.

Q.L.: Que conclut votre recherche pour les humains ?

Y.H: En 2013, nous avons partagé l’invalidation du gène Armc5 dans une publication, ce qui nous a valu beaucoup de retours. Nous avons alors compris que le gène était lié à une forme très rare du syndrome de Cushing, une maladie génétique affectant les glandes surrénales chez les humains de 40 à 60 ans. À propos des souris avec le gène, elles sont plutôt normales lorsqu’elles sont jeunes, mais, une fois à l’âge adulte, elles développent des problèmes tels que de l’hypertension ou de légères déformations, en plus de moins bien résister aux infections. C’est très intéressant, car nous pensons que ces souris peuvent être utilisées afin de modéliser les cas rares du syndrome de Cushing.

QL : Pourquoi est-ce important de participer à cette recherche, selon vous ?

Y.H : Les cellules T sont très importantes dans le combat de notre corps contre les infections. En ce moment, il y a plusieurs médicaments ou médications potentielles qui prétendent pouvoir soigner certaines infections auto-immunes, mais qui n’agissent pas efficacement. Nous voulons étudier ces mécanismes et, comme le gène Armc5 est assez nouveau, nous voulons vérifier s’il contiendrait la capacité d’aider, dans le futur, à développer des médicaments plus efficaces pour cibler les maladies auto-immunes. Il y a encore un long chemin à parcourir, mais cela reste significatif.

Lexique

Les cellules T : les cellules dites « lymphocytes T » sont essentielles à la réponse immunitaire, car elles détruisent, par un mécanisme complexe, les cellules infectées par un virus.

Le syndrome de Cushing : cette maladie génétique comprend un ensemble de symptômes touchant les glandes surrénales – situées au-dessus des reins –, qui se traduit par un excès de sécrétions. Les symptômes sont souvent physiques et s’apparentent à l’obésité. La maladie est souvent détectée chez l’homme de 40 à 60 ans.

Maladie auto-immune :le système immunitaire déclenche une réaction inflammatoire contre ses propres cellules.

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