Culture

Photo : Myralie Roy, Courstoisie SVÉ

Dans les coulisses de la troupe de théâtre de l’UdeM

Les 28 et 30 novembre derniers, la troupe Théâtre Université de Montréal (TUM) a interprété le texte L’érosion de la nuit, au Centre d’essai du pavillon J.-A.-DeSève. Quartier Libre a assisté à une répétition, le 12 novembre, quelques semaines avant les représentations, en présence de la metteuse en scène Pauline Benguigui et des interprètes.

Le Théâtre Université de Montréal (TUM) commence sa saison 2024-2025 avec la mise en lecture d’un texte écrit par la finissante de l’École nationale de théâtre du Canada Éléonore Brieuc, L’érosion de la nuit, mis en scène par Pauline Benguigui et Amélie Clément. Ce texte suit un couple isolé au Groenland, qui élève son enfant dans un cocon où la violence n’existe pas.


Dans l’envers du décor


Lors de sa recherche d’un texte à soumettre, Mme Clément a fait part de L’érosion de la nuit à Mme Benguigui. Celui-ci les a toutes deux convaincues, ce qui a amené le duo à le proposer à la troupe. «Amélie l’avait entendu une première fois à l’École nationale [de théâtre], où elle s’est formée, et elle a été séduite par l’univers, explique Mme Benguigui. Il y a une dimension crue,
absurde, et, en même temps quelque chose de profondément humain.»

Les deux metteuses en scène étaient encore plus motivées à mettre en forme le texte d’Éléonore Brieuc, car il n’avait jamais été joué de manière professionnelle. Le faire entendre était pour elles une manière de donner de la visibilité à l’autrice. « Étant nous-mêmes membres de la relève, on aime participer à une forme d’entraide», précise Mme Benguigui.

«La troupe permet de réunir des gens de différents programmes qui ne se seraient peut-être pas croisés à l’Université.»

Pauline Benguigui, Metteuse en scène

Si l’exercice de la co-mise en scène peut paraître périlleux, l’amitié entre les deux femmes, qui se sont rencontrées lorsqu’elles faisaient partie du TUM il y a huit ans, facilite leur collaboration. « On est complémentaires, donc on se partage aussi bien les tâches administratives que de mise en scène, confie Mme Benguigui. Le défi, comme ce soir, c’est lorsque l’une de nous deux n’est pas là, il arrive qu’on ne soit pas d’accord sur certaines choses, surtout qu’Amélie a déjà vu le texte monté et moi non. » En se permettant des libertés, l’une ou l’autre défait donc parfois ce que la troupe a essayé à la répétition
précédente.

Contrairement à une pièce classique, la lecture théâtrale ne repose pas sur un apprentissage des répliques. Comme son nom l’indique, les interprètes lisent le texte sur scène afin de le mettre en voix. Ce dispositif limite les possibilités dans les choix artistiques, comme la mise en scène ou les éléments de décor. Mme Benguigui assure que l’objectif est de dire les mots le plus simplement possible, en restant fidèle à l’univers de l’autrice. «Le texte d’Éléonore est déjà tellement riche, rajouter trop d’éléments perdrait le spectateur», souligne-t-elle.


Enjeux de préparation

Le TUM est connu pour être ouvert à toute la communauté étudiante, sans expérience préalable. Les auditions, qui se déroulent tous les ans au mois d’octobre, permettent d’effectuer une sélection. Cette année, certain·e·s candidat·e·s ont même pu intégrer plusieurs projets théâtraux.

«Le plus intéressant, c’est de faire partie d’un processus, comme une recette de cuisine, où on apporte nos ingrédients pour la sublimation du plat final.»

Emile Collignon, Étudiant de deuxième année au baccalauréat en économie et politique

Faire partie de la troupe donne l’occasion aux étudiant·e·s d’autres domaines de cultiver une pratique théâtrale. Pour l’étudiant de troisième année au baccalauréat en communication Jean-Philippe Pilote, la troupe constitue une véritable référence. «J’en ai entendu parler par sa réputation, témoigne-t-il. Elle est ancrée à l’UdeM depuis assez longtemps, au moins plusieurs décennies. »
Sa participation l’année dernière lui a donné l’envie de renouveler l’expérience. «J’avais l’objectif d’être retenu pour le plus de projets possible, c’est un plaisir de faire partie de celui-ci», se réjouit-il.

«Le plus intéressant, c’est de faire partie d’un processus, comme une recette de cuisine, où on apporte nos ingrédients pour la sublimation du plat final», explique l’étudiant de deuxième année au baccalauréat en économie et politique Emile Collignon.


Il rappelle que l’incarnation d’un rôle se bonifie au fil des répétitions, ce qui représente un travail compliqué et excitant. «À notre première lecture du texte, pendant les auditions, on avait forcément un peu de mal à se projeter, donc on essayait d’adapter les personnages à notre personnalité, se souvient-il. Maintenant qu’on est en plein dans les rôles, il faut jongler avec qui on est, et l’entrain qu’on veut donner aux personnages.»


Mme Benguigui considère que la direction d’une troupe étudiante est identique à celle d’une troupe professionnelle. L’amateurisme donne, selon elle, une force au groupe, par la diversité des profils. «Comme ils font autre chose dans la vie, qu’ils ont d’autres centres d’intérêt, ça rend les contrastes beaucoup plus riches entre les interprètes», précise-t-elle. Selon la metteuse en scène, la troupe permet de réunir des personnes de différents programmes, qui ne se seraient peut-être pas croisées à l’Université. «Je trouve qu’on a une troupe avec des gens vraiment différents, c’est le fun à voir sur scène et en répétition», croit-elle.

Émile, quant à lui, se réjouit de l’évolution collective de la troupe. «Plus le temps passe, plus on se rend compte que les personnes avec qui on travaille correspondent parfaitement à l’archétype du personnage, comme si on vivait l’histoire en nous-mêmes», constate-t-il.

Enthousiasme partagé


Deux semaines avant les représentations, les comédien·ne·s partagent l’impatience de monter sur scène. «On s’amuse beaucoup aux répétitions, donc on a hâte que le public se marre aussi, confie Émile. Il ne manque qu’un peu plus de décor et de mise en scène pour que l’immersion soit complète.»
Pour Mme Benguigui, l’excitation se mêle à une pointe d’inquiétude. «Il reste beaucoup de choses à faire», avoue-t-elle en riant. La troupe ne dispose en effet plus que d’un mois et demi pour mettre le spectacle en place. «Si c’était à refaire, on aurait moins pris notre temps au début, en commençant tout de suite avec deux répétitions par semaine au lieu d’une seule, regrette- t-elle. On pense que l’absence de décor et d’apprentissage du texte nous donne plus de souplesse, mais ça reste un vrai défi.»

Cette contrainte temporelle a accéléré la collaboration entre les membres de la troupe. «L’énergie de groupe s’est créée rapidement, parce qu’on n’a pas vraiment le choix, mentionne Jean-Philippe. On est seulement cinq, donc ça facilite aussi la proximité.»

À l’idée de voir l’aboutissement de leur création sur scène, les deux metteuses en scène s’interrogent sur le caractère atypique du texte. «C’est plutôt audacieux par rapport à ce qui a été fait les autres années, j’espère que les gens vont embarquer dans la proposition», confie Mme Benguigui. Elle craint que l’absence de didascalie rende la lecture difficile à suivre. «Je pense quand même que les gens vont être séduits par la particularité de ce qu’on a créé», affirme-t-elle.

CALENDRIER
La radio étudiante de l’UdeM, CISM 89,3 FM, diffusera L’érosion de la nuit le 7 janvier 2025 à 17 h.
La prochaine pièce du TUM, Christine, la reine-garçon, de Camille Messier, sera jouée les 6, 7 et 8 février 2025 au Centre d’essai du pavillon J-A DeSève. Billets à partir de 5 $.

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