«Il faut s’intéresser à l’histoire pour comprendre les revendications et l’art », soutient la professeure d’anthropologie et directrice de programme en études autochtones Marie-Pierre Bousquet. D’après elle, les manifestations culturelles autochtones reflètent souvent les enjeux sociaux et les luttes politiques. « On peut difficilement s’intéresser aux autochtones sans s’intéresser à leurs revendications. »
Pour la coodonnatrice de camp de jour chez Montréal autochtone, Alicia Ibarra-Lemay, il est primordial de s’intéresser au préalable à la culture autochtone si l’on souhaite apprendre à la connaître et éviter les faux pas. « Il faut s’informer et ne pas s’attendre à ce que toutes les questions trouvent une réponse instantanément, avant de prendre part à des activités culturelles, affirme-t-elle. Il ne faut surtout pas s’en remettre à une seule personne autochtone en lui demandant d’être le représentant de tous les autochtones. »
Pour elle, il faut être patient et ouvert d’esprit pour que l’échange culturel soit opportun. « La meilleure façon, c’est de réaliser quelle est notre place et qui on est », précise l’organisatrice de Mitig Daphné Cardinal. Selon elle, cela permettrait d’établir des relations plus horizontales entre autochtones et allochtones, et d’ainsi favoriser les rapprochements, que ce soit dans des contextes artistiques ou autres.
Partager des valeurs
L’étudiante en sociologie et membre de la nation Anichinabé explique que plusieurs manifestations culturelles comportent une dimension spirituelle. « Une danseuse de châle, par exemple, ne fait pas juste danser, précise l’étudiante. Elle danse pour porter une histoire et des valeurs qui s’y rattachent. » Elle estime qu’assister à des danses peut permettre de créer des ponts, mais qu’il faut toutefois chercher à en comprendre la portée.
Les pow-wow peuvent représenter une belle occasion de s’intéresser aux cultures des Premières Nations. L’environnement artistique et le contexte convivial semblent ainsi propices aux rapprochements. « Un pow-wow, à la base, c’est ouvert à tous, détaille-t-elle. C’est un spectacle pour montrer ta culture et toute la fierté derrière. »
Les risques de l’appropriation
Pour l’étudiante, bien que de tels évènements puissent favoriser les rapprochements, il faut se montrer prudent. « La ligne est fine entre l’intérêt et l’appropriation culturelle, prévient Daphné. Il faut faire très attention avec ça. »
La frontière semble peu évidente et le concept dur à définir pour Mme Bousquet. « Je consacre trois heures en classe avec mes étudiants à essayer de définir ce qu’est l’appropriation culturelle, témoigne la professeure. Il n’y a pas de bonne ni de mauvaise réponse, cela varie de cas en cas. »
À titre d’exemple, si l’art est un bon prétexte pour s’intéresser à l’autre, pour Mme Ibarra-Lemay il faut demeurer vigilant quant aux risques de l’appropriation. « Tu ne peux pas assister à un pow-wow et décider d’en recréer un dans ta cour arrière », explique-t-elle.
Selon Daphné, pour chaque communauté, voire chaque individu, les standards semblent différents. « À travers les Premières Nations du Québec, il y a des variantes », explique l’étudiante. Elle conclut en expliquant être dérangée par une personne non autochtone qui porterait un perlage.
La culture au numérique
Pour Mme Bousquet, l’intérêt envers les autochtones est grandissant chez les jeunes allochtones. « Les jeunes de la nouvelle génération ont davantage eu accès à de l’information sur les Premières Nations, affirme la professeure d’anthropologie. Ils s’y intéressent plus que les générations précédentes. »
À l’ère des plateformes numériques, l’art et la culture autochtone se partagent plus facilement, souligne Daphné Cardinal. « Il y a une grosse émergence grâce aux réseaux sociaux », soutient-elle. Elle estime que les cultures autochtones bénéficieront à l’avenir d’une visibilité accrue grâce à ces nouveaux paramètres.
* Se dit d’une personne qui n’est pas née dans le pays qu’elle habite. S’oppose à autochtone. (Office québécois de la langue française)