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Crédit illustration : Coline Weinzaepflen.

Cultiver la viande

La docteure en biologie Liz Specht, également membre du GFI, dont le rôle est de soutenir la recherche dans les substituts aux produits de l’élevage traditionnel, prévoit un changement majeur dans l’industrie agroalimentaire, dans un article publié par le magazine Food technology. Elle compte une douzaine de start up qui développent l’agriculture cellulaire pour produire une viande sans tuer d’animaux et estime que celles-ci pourront commercialiser leurs produits dans les prochaines années.

« Le but est de faire en sorte que la viande in vitro soit exactement la même que la viande conventionnelle, ou même meilleure d’un point de vue nutritionnel ou gustatif », assure la blogueuse et spécialiste du contenu pour GFI, Mary Allen. Elle admet néanmoins ne pas avoir goûté cet aliment du futur. Une étude réalisée en 2012 par l’Université de Maastricht démontre que recréer le goût de la viande, notamment grâce aux molécules présentes dans le gras et le sang, est le défi le plus difficile pour les scientifiques. Son auteur pense qu’y parvenir demandera du temps et des efforts, mais il affirme que la technologie actuelle le permet.

Répercussions environnementales : débat

L’agriculture cellulaire fait face à un autre défi que celui du goût : ses potentiels effets sur l’environnement font débat. Pour Mme Allen, cela s’explique par le fait que la viande de synthèse n’est pas encore cultivée à grande échelle et que toutes les études sur le sujet se fondent sur des hypothèses.

« Les produits de l’agriculture cellulaire nécessitent d’énormes ressources en eau, en énergie et en matières brutes, avertit la chercheuse pour l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM Elisabeth Abergel. Cela peut contredire le discours un peu évangélique de sauver la planète. » Elle estime aussi que l’agriculture cellulaire produira beaucoup de déchets.

« Les pires prévisions concernant la viande synthétique seraient toujours meilleures concernant les gaz à effet de serre (GES) que les meilleures perspectives de l’élevage traditionnel », défend pour sa part Mme Allen. Elle fonde son opinion sur une récente étude de l’Université d’Oxford. Cette dernière lui donne raison, du moins pour les 400 prochaines années, selon l’hypothèse d’une consommation de viande constante et de modes de production d’énergie inchangés. L’agriculture cellulaire produit en effet du CO2, qui reste dans l’atmosphère une centaine d’années, alors que l’élevage génère du méthane, un GES vingt-cinq fois plus puissant que le gaz carbonique, mais qui disparaît environ dix fois plus vite.

« Quand vous regardez l’occupation des terres et la consommation d’eau, les projections concernant l’agriculture cellulaire sont incomparables avec celles de l’élevage traditionnel », ajoute Mme Allen. Une étude parue en 2017 avance que si la moitié des produits d’origine animale actuels étaient remplacés par ceux de l’agriculture cellulaire, la superficie des terres nécessaires à la production de nourriture diminuerait de 29 %. Deux autres études (1, 2) calculent que l’agriculture cellulaire permettrait d’économiser jusqu’à 96 % de l’eau utilisée par l’élevage de l’Union européenne, si elle le remplaçait complètement.

Trois (1, 2, 3) des quatre (4) études consultées par Quartier Libre jugent en revanche que l’agriculture cellulaire nécessitera plus d’énergie par rapport à la production traditionnelle de viande, exception faite de l’élevage du bœuf dans l’une des trois études.

 


 

Fabrication de la viande : mode d’emploi

La production de viande synthétique consiste en premier lieu à prélever des cellules souches sur un animal. Les scientifiques les cultivent ensuite dans un milieu adapté (aujourd’hui des boîtes de Petri en laboratoire, demain des bioréacteurs comme ceux dans lesquels les brasseries multiplient leur levure). Enfin, ils obtiennent des tissus musculaires in vitro.

Les entreprises d’agriculture cellulaire utilisent aussi, par exemple, des bactéries et des levures modifiées génétiquement pour synthétiser des protéines de lait. Elles mélangent ensuite ces protéines avec des sucres, des minéraux et une matière grasse obtenue à partir de légumes et modifiée au niveau moléculaire. Elles obtiennent enfin un liquide similaire à celui provenant des pis de vache.

Source : le site Internet de la Mission pour la science et la technologie de l’ambassade de France aux États-Unis.

 


 

La viande en chiffres

L’élevage utilise 80 % de la superficie agricole totale, absorbe un dixième de la consommation humaine d’eau et rejette 14,5 % des GES humains, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Problème : la demande mondiale de produits d’origine animale augmentera de 70 % d’ici à 2050, d’après le même organisme. Un autre de ses rapports estime enfin que 31 % des stocks de poissons sont surexploités dans le monde, c’est-à-dire que ces derniers sont prélevés plus rapidement qu’ils ne peuvent se reproduire.

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