COVID-19 : les groupes d’entraide

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Par Edouard Ampuy
samedi 21 mars 2020
COVID-19 : les groupes d'entraide
L’équipe de gestion du groupe est composée de cinq personnes. Pour assurer sa bonne fonctionnalité, les administrateurs essaient de prioriser les requêtes et les offres, tout en limitant les messages publiés en double. Photo : Jacob Côté
L’équipe de gestion du groupe est composée de cinq personnes. Pour assurer sa bonne fonctionnalité, les administrateurs essaient de prioriser les requêtes et les offres, tout en limitant les messages publiés en double. Photo : Jacob Côté
À Montréal, des citoyens s’organisent et mettent en place des groupes d’entraide grâce aux réseaux sociaux. Initiés dès le début de la crise de la COVID-19 au Québec, ils mettent en relation des personnes ayant des besoins avec d’autres offrant leurs services. Pour les créateurs et utilisateurs de ces groupes, la collaboration citoyenne est une des réponses à adopter face à la pandémie.

Créé le 12 mars dernier, aux prémices de la crise de la COVID-19 au Québec, le groupe Facebook MTL COVID-19 Mutual Aid Mobilisation d’entraide compte maintenant plus de 13 000 membres [voir encadré].

Toutes les heures, de nouveaux messages apparaissent. Certains membres partagent leurs besoins et d’autres offrent leurs services. « Je vais à la pharmacie acheter des gouttes pour les yeux dans une heure, quelqu’un a-t-il besoin de quelque chose ? » — « Je cherche désespérément un désinfectant pour les mains ! » — « J’ai une voiture et beaucoup de temps libre, si vous êtes en quarantaine, je peux ramasser des fournitures pour vous. » – « J’ai décidé d’offrir à court terme la chambre d’amis meublée de ma maison », sont quelques exemples des messages qui défilent.

Noémie Palotas est chef dans le restaurant d’un hôtel. « J’ai été mise à pied et j’espère être acceptée pour l’assurance-emploi, confie-t-elle. Je suis maintenant sans revenu stable, ce qui me rend très anxieuse.* » Sur le groupe d’entraide, elle a fait part de son besoin en nourriture et en litière pour ses trois chats.

Si elle ne savait pas à quoi s’attendre, Mme Palotas avoue avoir été agréablement surprise des réponses qu’elle a reçues. « Les réponses sont arrivées très rapidement, et je suis tellement reconnaissante auprès des personnes qui m’ont aidée, indique-t-elle. Personne ne se connait, et pourtant, tellement de gens sont prêts à donner tout ce qu’ils peuvent pour m’aider à nourrir mes chats, ça réchauffe le cœur. »

Le fonctionnement du groupe

L’équipe de gestion du groupe est composée de cinq personnes. Pour assurer sa bonne fonctionnalité, les administrateurs essaient de prioriser les requêtes et les offres, tout en limitant les messages publiés en double. « Comme beaucoup de gens sont vulnérables, sans statut d’immigration, qu’ils font du travail du sexe, sont queer ou ont un système immunitaire faible, on fait attention à garder un niveau de sécurité relatif, développe le créateur du groupe, Griffin Payne. On demande à toute personne avec une requête de nature sensible de nous contacter directement pour qu’on la connecte avec celles et ceux qui peuvent l’aider. » Une des priorités est également de modérer les discours oppressifs ou politisés.

M. Payne révèle que l’équipe du groupe souhaite proposer de nouveaux services d’ici quelques jours. « Nous voulons collecter des fonds pour les personnes qui ne seront pas couvertes par les interventions du gouvernement », explique-t-il. Dans quelques jours, des formulaires seront disponibles sur le groupe pour que les utilisateurs formulent leurs besoins ou offrent leurs services. « Les formulaires remplis seront envoyés à une équipe de volontaires qui travaillera de manière plus systématique pour répondre d’une façon sécuritaire aux besoins et demandes », avance M. Payne.

Donner de son temps

Coordinateur d’événements dans un centre communautaire, Paul Bode propose ses services au groupe d’entraide. « Ma réaction, quand il y a des problèmes, c’est de voir comment je peux aider, spécifie-t-il. En allant sur le groupe, j’ai voulu contribuer, car j’ai du temps libre et j’ai mon char, je me dis qu’il doit y avoir un besoin pour ça. » Quelques heures après son message, Paul avait déjà reçu quatre demandes.

Même en dehors du groupe, il connait beaucoup de personnes dans le besoin. « Juste parmi mes proches, il y a beaucoup de gens qui ont besoin de livraisons, précise-t-il. Je connais pas mal d’ainés qui ont besoin d’aides spécifiques, donc je cours un peu partout. »

Un vecteur d’espoir social

M. Payne explique qu’il a rapidement fait le lien entre la situation de crise et le manque qui s’apprêtait à toucher les populations vulnérables. « Normalement, les réseaux d’entraide, c’est un moyen habituel pour aider les personnes marginalisées à survivre, même quand on n’est pas en situation de crise, rappelle-t-il. Avec cette pandémie, plus de gens du grand public vivent le quotidien des individus marginalisés, quand le système ne vient pas en aide. »

D’après lui, le groupe est l’occasion de créer de l’empathie, d’ouvrir une partie de la population à de nouvelles perspectives et de comprendre la diversité de parcours présents dans une communauté. « Mon espoir le plus sincère est que cela permette d’agrandir la base de soutien pour des actions sociales, une base qui perdurera au-delà de cette pandémie », espère M. Payne.

Une réponse citoyenne à la crise

Mme Palotas est convaincue que les groupes d’entraide sont essentiels. « Tout le monde doit se rassembler et se rendre compte que nous sommes dans cette situation pour le long terme », souligne-t-elle.

Pour M. Bode, l’entraide est une partie de la solution à cette crise. « Je ne vois pas comment le gouvernement peut répondre seul à cette situation, ça prend une réponse citoyenne et collective de gens qui veulent aider », déclare-t-il. Il ajoute néanmoins qu’il faut le faire en respectant les consignes de sécurité. « Beaucoup d’individus ont des préoccupations pour leur santé et pour leurs dépenses, poursuit-il. Il y a beaucoup d’incertitudes, surtout vis-à-vis des aînés qui ne sont pas sur Facebook, il faut aller les voir pour connaitre leur situation et leurs besoins. »

Il appartient aux organisations citoyennes, précise M. Payne, de répondre aux besoins des populations les plus vulnérables affectées par cette situation.

 

*Traduit de l’anglais

 

ENCADRÉ : Les différents groupes d’entraide sur les réseaux sociaux.

Le groupe d’entraide MTL COVID-19 Mutual Aid Mobilisation d’entraide est le groupe général de Montréal. Il en existe quatorze autres, disponibles selon les arrondissements.