COVID-19 : Les données cellulaires utilisées pour vérifier les rassemblements ?

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Par Esther Thommeret
vendredi 27 mars 2020
COVID-19 : Les données cellulaires utilisées pour vérifier les rassemblements ?
Deux professeurs de l'UdeM affirment que la crise n’a pas encore atteint la vie privée des Québécois et des Canadiens, mais qu’elle l’a atteint dans d’autres pays. Image par Biljana Jovanovic de Pixabay
Deux professeurs de l'UdeM affirment que la crise n’a pas encore atteint la vie privée des Québécois et des Canadiens, mais qu’elle l’a atteint dans d’autres pays. Image par Biljana Jovanovic de Pixabay
Afin de limiter la propagation de la COVID-19, divers mécanismes de surveillance sont mis en place par les gouvernements pour contrôler le confinement de la population. L’utilisation des données cellulaires, dans le but de cibler les lieux de rassemblement, pose des questions quant au respect de la vie privée.

Actuellement, les Canadiens sont soumis aux règles de confinement. Jusqu’où le gouvernement et la police peuvent-ils aller pour faire régner l’ordre ? Les professeurs de criminologie à l’UdeM David Décary-Hétu et Benoît Dupont ont partagé leur avis sur l’effet de telles mesures de santé publique sur la vie privée des habitants.

Une surveillance virtuelle

Pour l’instant, les deux professeurs affirment que la crise n’a pas encore atteint la vie privée des Québécois et des Canadiens, mais qu’elle l’a atteint dans d’autres pays. « Nous avons vu, dans d’autres pays, les gouvernements utiliser la géolocalisation des téléphones intelligents pour repérer les personnes qui ont été en contact avec des gens malades, affirme M. Décary-Hétu. Ces personnes sont ensuite isolées. »

D’après M. Dupont, le degré d’intrusion de la surveillance étatique varie d’un pays à l’autre, selon son degré de démocratie. « Parmi les régimes autoritaires, la Chine a déployé tout son arsenal de surveillance : reconnaissance faciale, données de géolocalisation des téléphones intelligents, drones, intelligence artificielle ; pour repérer les personnes à risque et les placer en quarantaine obligatoire ou restreindre leurs mouvements », explique-t-il.

Le professeur en criminologie affirme que le gouvernement américain a demandé la semaine dernière à Facebook, Google, Amazon ou encore Apple de se pencher sur la possible utilisation des données de géolocalisation recueillies par les téléphones, afin d’évaluer le développement de la maladie et d’établir les schémas de propagation de la COVID-19.

Une possibilité au Canada ?

D’après la publication d’un article publié par une vingtaine de chercheurs des universités Harvard et Johns Hopkins dans Science Magazine, la surveillance des déplacements de cellulaires à un niveau macro aiderait les autorités à avoir une idée du degré avec lequel les recommandations de distanciation sociale sont respectées.

Lundi dernier, le maire de Toronto, John Tory, a suggéré d’utiliser des données de positionnement de millions de cellulaires pour surveiller sa population et repérer les points de rassemblements. « Ce que j’ai demandé, et je vais l’obtenir, c’est que les compagnies de téléphonie mobile nous fournissent les données de connexion à leurs réseaux pendant le week-end, pour que nous puissions voir où les gens continuent de se rassembler, a-t-il déclaré. Ces données nous permettront de faire une carte des points chauds. » L’enregistrement de cette conversation a été transmis à La Presse.  

Le porte-parole du maire, Don Peat, a affirmé à La Presse qu’aucune donnée n’avait cependant encore été récoltée ou transmise au gouvernement. Cependant, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, n’a pas écarté l’idée de mettre en place un tel « mécanisme de surveillance » lors d’un de ses derniers points de presse, invoquant l’urgence de la situation.  

Les risques

D’après M. Dupont, même si la situation de crise actuelle pourrait justifier l’utilisation des renseignements personnels afin de ralentir la propagation du virus, cette option comporte des risques. « Dans l’urgence de sauver des vies, cela peut sembler une mesure acceptable et même impérative, mais les risques sont également significatifs que, une fois la crise passée et la situation revenue à la normale, le recours à une telle surveillance de masse par des États démocratiques s’institutionnalise », précise-t-il.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ainsi que la Ville auraient affirmé récemment qu’il n’était pas question pour eux d’utiliser un tel système.