COVID-19 : La situation des étudiants canadiens à l’étranger

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Par Edouard Ampuy
lundi 23 mars 2020
COVID-19 : La situation des étudiants canadiens à l’étranger
La porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara, précise que l’Université recommande aux membres de la communauté universitaire qui se trouvent à l’étranger de revenir au Canada. Image par StockSnap de Pixabay
La porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara, précise que l’Université recommande aux membres de la communauté universitaire qui se trouvent à l’étranger de revenir au Canada. Image par StockSnap de Pixabay
Lundi dernier, Justin Trudeau a appelé tous les Canadiens à l’étranger à rentrer dès que possible au pays. Pour les étudiants de l’UdeM en échange, l’heure est venue de faire un choix : rentrer ou rester. Quartier Libre s’est entretenu avec deux d’entre eux, qui vivent actuellement d’un bout à l’autre du monde.

« Si vous êtes à l’étranger, il est temps de rentrer chez vous », a déclaré le premier ministre au début de la semaine dernière.

Étudiant canadien en études internationales à l’UdeM, Seif Rostom est depuis deux mois en échange à l’Université autonome de Madrid. Il était censé y rester jusqu’au 24 juin.

Il explique être parti dans l’espoir de rencontrer de nouvelles personnes et d’améliorer son espagnol, mais la crise de la COVID-19 a bouleversé ses plans. « Personne ne s’y attendait, il y a dix jours encore, on était en voyage avec des étudiants en Erasmus à Séville, raconte-t-il. Tout allait bien, et du jour au lendemain, la ville a été fermée. »

L’Espagne est l’un des pays les plus touchés au monde par la pandémie. Vendredi, le directeur du Centre d’alertes sanitaires, Fernando Simon, a annoncé que le pays avait dépassé la barre des 1 000 morts et s’approche désormais des 20 000 cas. La majorité des personnes infectées se trouvent à Madrid, qui compte 7 165 cas, soit 36 % du total national, et déplore 628 décès.

Seif indique que l’ambiance est devenue maussade. « C’est un pays en quarantaine, il n’y a rien à faire, tu ne peux pas sortir, la seule chose que tu es autorisé à faire, ce sont les courses, décrit l’étudiant. Je ne suis pas sorti depuis trois jours. » Il vit dans une collocation de huit personnes, mais six sont partis retrouver leur famille. « Moi, je n’ai personne », déplore-t-il.

Autre pays, autre ambiance

À l’autre bout du monde, l’étudiante franco-canadienne en écriture de scénario et création littéraire à l’UdeM Clémentine Lauriol vit une situation différente. Elle est depuis la fin du mois de février en échange en Corée du Sud, à Jukjeon, au sud de Séoul. « Quand la crise est arrivée en Corée, c’était quelques jours avant mon départ, mais je préparais ce voyage depuis des mois et je ne voulais pas l’annuler », explique l’étudiante.

Dès son arrivée, le semestre a été décalé de deux semaines et les étudiants étrangers ont dû se placer en isolement. « J’étais en quarantaine avec tous les étudiants étrangers, dans un dortoir à part dans l’Université  de Dankook, spécifie l’étudiante. On pouvait faire un peu ce qu’on voulait. Parfois, on allait à Séoul pour visiter. » En ville, l’ambiance est bonne, selon Clémentine. « Beaucoup de commerces sont fermés et les restaurants vides, mais sinon, la vie continue », précise-t-elle.

En Corée du Sud, la courbe épidémique s’inverse depuis le début de la semaine. Le pays dénombre moins de cent nouveaux cas déclarés par jour.

Clémentine et les autres étudiants étrangers ont tiré profit de cette situation. « Nous avons tissé des liens forts grâce à l’isolement, se réjouit-elle. On joue aux cartes, on fait de la musique, on regarde des films. On n’a pas du tout senti le climat anxiogène de la quarantaine. »

De son côté, Seif se console grâce aux initiatives de la population espagnole, qui, chaque jour à 20 h, sort sur les balcons pour applaudir le personnel soignant.

Vidéo : Seif Rostom

Le choix du retour

Seif a dû prendre un avion-retour pour rentrer à Montréal vendredi. « Ça m’a vraiment fait mal au cœur de devoir tout laisser comme ça, regrette l’étudiant. J’avais tellement planifié ce voyage pendant plus d’un an, et tout est tombé à l’eau. Je n’ai rien fait là-bas, je n’ai pas eu le temps, j’aurais voulu voyager et connaître plus de monde. »

Il se dit préoccupé à l’idée de prendre l’avion. « Être entassé dans les aéroports, ça me fait un peu peur, confie l’étudiant. Et puis rentrer et devoir rester quatorze jours en isolement, ça me passe par-dessus la tête. »

La porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara, précise que l’Université recommande aux membres de la communauté universitaire qui se trouvent à l’étranger de revenir au Canada. « Dans les circonstances actuelles, nous estimons que rentrer au pays est une sage décision, estime-t-elle. Les étudiants qui choisiraient de ne pas revenir au Canada, conformément à la recommandation émise le 14 mars par le gouvernement du Canada, doivent comprendre qu’ils s’exposent à des risques financiers ou logistiques. »

Malgré ces recommandations, Clémentine a décidé de rester en Corée du Sud. « Immédiatement, je me suis dit que je n’allais pas rentrer, déclare l’étudiante. Ici, en Corée, ça va de mieux en mieux et je m’y sens beaucoup plus en sécurité. »

La communication de l’UdeM

Clémentine se dit satisfaite de la façon dont l’UdeM gère sa communication auprès des étudiants en échange. « Avant mon départ, la Maison internationale a beaucoup échangé avec moi pour voir si je souhaitais toujours partir malgré la situation », souligne-t-elle.

En revanche, Seif se dit sidéré par sa gestion de la crise. « On n’a pas reçu un seul message avant que le virus ne débarque à Montréal, déplore-t-il. Le premier message que j’ai reçu, c’était il y a quatre ou cinq jours*. »

Mme O’Meara assure que l’UdeM et la Maison internationale suivent de près l’évolution de la situation de la COVID-19 depuis ses débuts en janvier. « Le 24 février, devant l’ampleur de la situation, un message a été envoyé à tous les étudiants à l’étranger, peu importe où ils se trouvaient, assure la porte-parole. Des envois réguliers de messages ont ensuite été effectués à partir du 12 mars. » Elle reconnaît que depuis cette date, la Maison internationale a connu un flot important de courriels. « L’équipe a travaillé d’arrache-pied pour répondre aux questions des étudiants et des parents dans les meilleurs délais », ajoute-t-elle. 

La problématique des bourses

Les deux étudiants sont dans l’incertitude en ce qui concerne les bourses obtenues pour leur échange. « L’association LOJIQ m’a contacté deux jours avant mon départ pour me prévenir qu’ils me retireraient leur bourse de 700 $, afin de ne pas être tenus responsables s’il m’arrivait quelque chose, détaille Clémentine. Je dois la rembourser, mais depuis, je n’ai eu aucune nouvelle. »

Les étudiants en échange peuvent bénéficier, via l’UdeM, de la bourse de mobilité d’un montant de 3 200 $ par session. Seif s’inquiète du fait qu’elle pourrait lui être retirée. « Pour les bourses, l’Université dit qu’elle va procéder au cas par cas, précise-t-il. Donc, je ne sais pas s’ils vont la reprendre. »

Mme O’Meara explique que chaque cas doit être analysé pour déterminer les modalités compensatoires susceptibles de s’appliquer. « Celle-ci pourrait être maintenue malgré l’interruption du séjour, selon certaines conditions qui seront analysées au cas par cas, notamment celles de la durée du séjour à l’étranger et des dépenses encourues. », développe la porte-parole, qui ajoute que des factures pourraient être exigées pour justifier le maintien de la bourse.

La suite des cours

Pour Clémentine, les cours en ligne ont commencé depuis le 16 mars. « Chaque professeur bricole ses cours avec ce qu’ils peuvent, avec YouTube, avec Zoom, avec Google Class Room ou juste en envoyant par courriel les documents à lire, décrit-elle. On a une plateforme un peu comme Studium, ou les profs peuvent mettre leur contenu en ligne, mais elle est en coréen. » 

La situation est plus vague pour Seif, qui doit se renseigner auprès de l’Université où il est en échange. « Je ne sais pas s’ils vont me rembourser mes frais de scolarité si je ne valide pas mon semestre », s’inquiète-t-il.

À ce sujet, Mme O’Meara indique qu’un étudiant désinscrit de son programme d’échange se voit octroyer un crédit pour les droits de scolarité déjà payés.

 

*L’entrevue avec Seif Rostom a été réalisée le mardi 17 mars dernier