Par Gabrielle Manzano et Romeo Mocafico
«La maison a été pensée pour ne pas avoir l’air d’une institution ou d’un hôpital, mais bien d’une maison familiale », annonce la directrice du projet Manon Asselin. Dès décembre 2019, la structure recevra à Varennes, proche de Montréal, vingt jeunes adultes de 21 ans et plus, vivant avec un TSA de degré moyen.
Pas de recette miracle
« Il y a eu des études cliniques au niveau médical et psychologique sur les jeunes vivant avec un TSA, mais rien qui fait le pont avec l’environnement construit », regrette Mme Asselin. La professeure à la Faculté de l’aménagement de l’UdeM explique que les seules ressources dans ce domaine sont des maisons adaptées à partir d’un environnement familial, par des parents d’enfants handicapés.
Les chercheurs se sont donc entourés d’un panel de mères et de cliniciens familiers du TSA pour réfléchir aux moyens de répondre aux besoins des futurs habitants. Ensemble, détaille la professeure, ils ont scénarisé toutes les activités que peut réaliser une personne autiste au quotidien, et anticipé ses réactions.
« Chacun a des particularités sensorielles très importantes », indique le professeur au Département de psychiatrie de l’UdeM Baudouin Forgeot D’Arc. Également impliqué dans le projet, l’enseignant précise que chaque personne souffrant d’un TSA a des besoins très spécifiques. « Est-ce qu’il y a une recette sensorielle qui pourrait convenir à tous les autistes ? C’est difficile à dire, concède-t-il. Il ne faut pas s’attendre à avoir une forme d’habitat qui corresponde aux besoins de tous. » Ce dernier a pris part au projet, dont les plans ont été dévoilés en novembre dernier.
Contrôler les éléments
Mme Asselin déclare avoir pris en compte de nombreux critères dans la conception de la maison, en commençant par l’éclairage. « Il n’y aura aucune lumière directe, qu’elle soit naturelle ou artificielle, détaille-t-elle. Les fenêtres possèdent des porte-à-faux qui empêchent le rayonnement et des toiles solaires permettent aussi de contrôler l’éblouissement. »
L’acoustique est aussi un facteur que les chercheurs ont dû prendre en considération. « On ne veut pas qu’il y ait d’appareil mécanique qui induise une vibration, car certains jeunes y sont très sensibles, poursuit-elle. On aura aussi beaucoup d’absorption acoustique, pour s’assurer qu’il n’y a pas trop de bruit et d’écho. » Une attention a également été portée au choix des matériaux.
Pour l’architecte, il a été difficile de trouver un moyen d’accommoder l’ensemble des habitants en ce qui concerne la température. Elle explique que certaines personnes souffrant d’un TSA sont très sensibles au chaud, et d’autres au froid, en particulier la nuit. « Il fallait donner à chacun une façon de personnaliser son environnement, surtout au niveau des chambres, confie-t-elle. En y contrôlant la température, cela devient leur endroit, où ils peuvent faire le choix de s’isoler. »
M. Forgeot D’Arc soutient qu’il s’agit là d’un enjeu important pour les personnes autistes. « Il faut trouver une solution, un milieu qui soit à la fois apaisant et rassurant, ajoute-t-il, précisant que beaucoup sont sujets à des problèmes d’anxiété. Il faut donc permettre, par exemple, qu’il y ait des lieux calmes, et la possibilité d’avoir accès à des personnes qui pourront être rassurantes en cas de besoin. »
Autonomie et socialisation
La maison devra, d’après lui, permettre de réfléchir aux problématiques d’autonomie et de socialisation. Le défi est de laisser les habitants en semi-autonomie pour qu’ils puissent s’organiser par eux-mêmes, tout en profitant de supervision au quotidien.
La clef réside, d’après le professeur, dans la bonne combinaison des besoins de socialisation et de retrait. « Certains vont parfois avoir besoin d’être stimulés en étant mis en relation avec d’autres, alors que d’autres vont avoir besoin de se mettre en retrait, observe-t-il. Pour certains, ce sera même une combinaison des deux. »
Mme Asselin précise que des régles ont déjà été établies. « Il a fallu structurer l’espace en petits groupes de quatre personnes pour les espaces privés, explique-t-elle. Pour les communs, les habitants se retrouvent en groupe de huit personnes maximum. » L’architecte annonce qu’un local sera également disponible au rez-de-chaussée pour les habitants souhaitant s’isoler. Pour elle, le vivre ensemble dans la maison doit s’apparenter à ce que des étudiants pourraient connaître en colocation. Une fois mis sur pied, Mme Asselin explique que ce projet pilote servira d’outil pour les prochaines recherches.