Si la haute direction de l’Université fixe elle-même les objectifs de réduction des dépenses pour chacune des unités, ce sont les doyens qui ont la responsabilité de déterminer la teneur de ces coupes. « On doit proposer une manière de faire et la soumettre au comité du budget », explique le doyen de la Faculté des arts et des sciences, Gérard Boismenu.
Bien que cette façon de procéder laisse aux facultés la latitude nécessaire pour effectuer des coupes adaptées à leur réalité particulière, la variété des moyens employés peut donner l’impression que certains secteurs sont plus touchés, ce qui n’est pas le cas selon le porte-parole de l’UdeM, Mathieu Filion. « Les facultés, les écoles et les différents services administratifs ont tous reçu une demande de couper dans leur budget pour l’année en cours, explique-t-il. Les coupes demandées représentent en moyenne 1,6 % du budget de l’unité. »
Des diminutions de revenus qui font mal à une faculté en pleine expansion. En 10 ans, pas moins de 5 000 étudiants se sont ajoutés à l’effectif de la Faculté des arts et des sciences.« Compte tenu de cette augmentation, on avait prévu, au cours de l’exercice 2013-2014, passer de 625 à 650 professeurs, commente M. Boismenu. Les compressions budgétaires annulent complètement cette prévision. »
Selon M. Boismenu, le nombre de charges de cours proposées au sein de la Faculté des arts et des sciences avait augmenté au cours des cinq dernières années, passant de 1100 à 1500 actuellement. « Là, ce qu’on va faire, c’est réduire le nombre de charges de cours, de 200 au total, affirme-t-il. Le tout est réparti sur deux ans. On a réduit déjà de 50 charges de cours en janvier. L’année prochaine, notre objectif sera d’en supprimer 150, qui s’ajouteront aux 50. »
Pertinence discutée
Il peut être difficile de saisir l’impact des sciences humaines et sociales sur les sociétés, car on y offre des formations qui ne conduisent pas nécessairement à des emplois précis. « Les sciences humaines et sociales sont des domaines qui favorisent les réflexions sur le genre de société qu’on veut avoir, affirme le directeur du Département de communication, François Cooren. En communication, par exemple, on essaie de mettre en valeur certaines pratiques plus démocratiques d’utilisation des technologies. »
Les besoins des compagnies dans le contexte mondial actuel engendrent pourtant de nouvelles applications issues de ces disciplines. « La société, et les sociétés, ne se renouvellent pas en repoussant les formations et les fonctions qui sont celles qu’on développe en sciences sociales, croit M. Boismenu . Mais au contraire, en les valorisant. Et c’est donc assez curieux que le discours ambiant, le discours dans les grandes agences ou autre, mette l’accent essentiellement sur des formations qui peuvent apparaître comme des formations professionnelles directement tournées vers la production d’une entreprise. Une entreprise qui veut se développer au plan international, par exemple, aura besoin de personnes pour analyser les risques géopolitiques. Une entreprise n’est pas que production. »
Pour l’étudiant au baccalauréat en études hispaniques David Plourde, les professionnels issus de ces disciplines soutiennent le développement de la société de façon fondamentale, bien qu’ils ne soient pas toujours reconnus. « Ce qu’il y a derrière la scène est important aussi, croit-il . Il y a les gens qui font du travail social, et ceux qui font du travail de terrain. »
Des salaires plus élevés ?
Une étude réalisée par la firme PayScale sur les salaires aux États-Unis pour l’année 2012-2013 révèle qu’à mi-carrière, les salaires des diplômés en philosophie peuvent être plus élevés que ceux des administrateurs.
Valoriser cette possibilité contribue-t-il à briser certains préjugés ou plutôt à nourrir une certaine logique de marché qui tendrait à désavantager ces champs d’études ? « Les sciences humaines et sociales, on le sait, forment entre autres des gens qui occuperont des postes de responsables, explique M. Cooren. Certains de nos diplômés travaillent pour l’ONU, par exemple. Cela montre aux étudiants qu’ils n’ont pas à avoir honte de leur formation. Mais valoriser d’abord et avant tout cet aspect auprès des étudiants relèverait, effectivement, d’une logique purement économique. »