Les noms des lauréats du Concours interuniversitaire de bande dessinée ont été dévoilés au Centre d’exposition de l’UdeM le 3 avril dernier. Qu’ils tentent de faire passer un message ou de faire rire, ces bédéistes amateurs prennent avant tout du plaisir à partager leur art, à la fois narratif, visuel et ludique.
Soixante-cinq bandes dessinées ont été soumises pour ce concours par des étudiants de douze universités francophones du Canada. Le premier prix a été remis à l’étudiant à la maîtrise en création littéraire à l’Université Laval Anthony Charbonneau- Grenier pour Ludvig. Il s’agit de l’histoire d’un éphémère, petit insecte de la forêt dont la vie se termine avec le coucher du soleil. «Ce que j’aime, c’est la contrainte créative imposée par un thème et des règles, c’est stimulant, s’enthousiasme le lauréat. Aussi, le concours permet de voir ce qui se fait ailleurs.»
Le thème de cette année : «éphémère». «Je me suis dit que le sujet était classique, se souvient l’étudiant en anthropologie à l’UdeM Julien Porquet, qui a remporté le troisième prix. Mais ça collait particulièrement bien à la bande dessinée, car c’est un art séquentiel où chaque case correspond à une unité de temps.»
Lorsqu’il dessine, Julien s’inspire du cinéma. «Entre deux plans, il y a une éclipse, et cet entre-deux peut durer dix mille ans, souligne- t-il. Ce temps est relatif pour chacun.»
La réalisation de Julien, La relativité des montagnes, est une image répétitive qui se développe en vingt-quatre cases, soit vingt-quatre temps, et qui se termine par : « C’est déjà fini?» Une fin mystérieuse, pour son lecteur comme pour l’artiste. «Je n’étais pas sûr que le public serait sensible à ma fin, mais c’était un pari à prendre, confie l’artiste. Ce qui m’intéressait, c’était de faire une BD qui parlerait de la bande dessinée. Et la particularité qu’on a dans cet art, c’est qu’on a la possibilité d’étirer le temps.»
Le jury était composé du bédéiste, blogueur et fondateur des Éditions Pow Pow Luc Bossé, de la bédéiste et critique Aurore Lehmann, et du libraire spécialiste en BD à Le port de tête Martin Dubé. Ce dernier a vraiment apprécié l’œuvre de Julien. « Il y avait quelque chose de rythmique, j’aimais bien le coup de crayon aussi, soulève-t-il. Je trouvais qu’il y avait une atmosphère qui sortait de chaque case.»
Message et construction
Julien pense que pour réussir à séduire les juges, il faut avoir quelque chose à exprimer. « Il faut se poser la question de ce qu’on veut dire, croit-il. En art en général, il ne faut pas hésiter à aller voir ailleurs, essayer de faire des liens entre les disciplines. » Son message : l’éphémère est relatif. La notion de temps n’est pas la même pour une montagne ou pour un éphémère. Il ajoute qu’en dessin, et en art en général, il faut passer sa vie à désapprendre. « Il y a des techniques, mais il faut chercher à les dépasser », précise-t-il.
Anthony, pour sa part, pense que ses études en création littéraire l’aident beaucoup. «Mon conseil pour un bédéiste, c’est de ne pas forcer sur le dessin, mais sur le message», dit-il. Anthony envisage de faire de la bande dessinée son métier et il en fait déjà son sujet de mémoire. «J’essaye d’allier la création littéraire et mon expérience en dessin », explique-t-il.
Les deux bédéistes sont unanimes sur l’importance d’un message personnel à faire passer. Néanmoins, le coup de crayon et la construction ne sont pas à négliger, tout en restant simples et épurés.