COP15 : cadre juridique et droits autochtones à l’avant-plan

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Par Patrick MacIntyre
jeudi 8 décembre 2022
COP15 : cadre juridique et droits autochtones à l’avant-plan
Crédit : Jardin botanique de Montréal (Michel Sokolyk)
Crédit : Jardin botanique de Montréal (Michel Sokolyk)
En marge de la COP15, la conférence des Nations unies sur la biodiversité qui se déroule à Montréal du 7 au 19 décembre, les professeures Ingrid Hall et Konstantia Koutouki ont participé à une table ronde intitulée La COP15 après la 27 : et la biodiversité dans tout ça?, dans le but de détailler quelques-uns des enjeux importants de celle-ci et de clarifier son rôle. Quartier Libre était présent à l’évènement.

La COP15 est la quinzième rencontre entre les 196 pays ayant ratifié la Convention sur la diversité biologique, explique la professeure agrégée au Département d’anthropologie de l’UdeM Ingrid Hall. Les délégations de ces pays se rencontrent annuellement pour faire le point sur les avancées scientifiques et juridiques autour de la biodiversité. L’édition de cette année devait initialement avoir lieu en Chine en 2020, mais les organisateurs ont décidé de la déplacer à Montréal en raison des restrictions chinoises liées à la pandémie. La Chine conserve toutefois sa présidence.

COP15

COP = Conférence des parties

15 = 15e rencontre

La COP15 est la quinzième rencontre entre les 196 pays ayant ratifié la Convention sur la diversité biologique. Des délégations de chacun de ces pays se rencontrent annuellement pour faire le point sur les avancées scientifiques et juridiques autour de la biodiversité.

Les trois lignes directrices de la COP15 sont la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, ainsi que le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. «La COP est la portion marketing de l’exercice, explique la professeure titulaire à la Faculté de droit de l’UdeM Konstantia Koutouki. Le vrai travail a lieu au cours de l’année et on démontre le travail, en plus de prendre les décisions finales lors de la COP.»

Mme Hall ajoute que plusieurs constats faits dans les années 1990 ont mené à l’élaboration d’une convention encadrant la biodiversité. «Les gens ont commencé à remarquer une baisse de la biodiversité et à réaliser que celle-ci représente des ressources économiquement exploitables», précise-t-elle.

La COP15 n’est pas une suite de la COP27, qui s’est tenue en Égypte au mois de novembre. Cette autre COP est également une conférence des parties, mais elle traite plutôt des avancées de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dont le mandat est plus large.

Qu’est-ce que le protocole de Nagoya??

Le Protocole de Nagoya est un accord portant sur le troisième objectif de la Convention sur la diversité biologique. Fruit des discussions qui ont eu lieu lors de la COP10, au Japon, il encadre ainsi le partage juste et équitable des ressources génétiques. La Convention définit celles-ci comme «les éléments des écosystèmes avec un matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle pour l’Humanité». Cette définition n’inclut pas les êtres humains. Les plantes, les bactéries dans une poignée de terre et les champignons en sont des exemples.

Kathryn Furlong, directrice académique du CÉRIUM et animatrice de la table ronde?; Ingrid Hall, professeure agrégée au Département d’anthropologie, qui a assisté à plusieurs rencontres préparatoires de la COP15?; Konstantia Koutouki, professeure titulaire à la Faculté de droit ayant contribué à l’élaboration du Protocole de Nagoya et à certains articles de la Convention.

 

Dans le passé, «les scientifiques croyaient pouvoir reproduire synthétiquement dans leurs laboratoires tout ce qui se trouve dans la nature à volonté, révèle Mme Koutouki. Ils ont réalisé que ça ne fonctionnait pas.» Jusqu’en 2010, rien n’existait dans le droit international pour «empêcher toute personne d’aller puiser une ressource génétique n’importe où, de la ramener dans son pays et de créer et breveter un nouveau produit», poursuit-elle. Établir des balises afin d’encadrer l’utilisation et l’exploitation des ressources génétiques présentes dans la nature est donc essentiel, selon la professeure, qui mentionne que le Canada n’a pas ratifié ce protocole.

Droits autochtones

 La question de la protection des droits des populations autochtones a également été au cœur de la table ronde. Les ententes internationales commencent à prendre en considération les droits de ces peuples, mais beaucoup de travail reste encore à faire, souligne Mme Hall.

Convention sur la diversité biologique 

La Convention sur la diversité biologique est un traité international juridiquement contraignant qui comporte trois objectifs centraux :

1) la conservation de la diversité biologique?;

2) l’utilisation durable de la diversité biologique?;

3) le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques.

Visiblement sidérée, la professeure affirme qu’«il n’y a eu aucun murmure» lorsqu’un représentant chinois a affirmé, dans le cadre de négociations sur la Convention en 2019, qu’aucun peuple autochtone n’habitait sur son territoire, malgré les accusations de génocide du peuple ouïghour qui pesaient sur la Chine à cette période.

Consulter les peuples autochtones pour l’élaboration d’ententes internationales, mais aussi les inviter à participer aux débats comme ce fut le cas pour la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est primordial, insiste Mme Koutouki. «Le gouvernement [du Canada] pourrait payer pour les services et déplacements d’un traducteur de langue autochtone, estime la professeure. Ça coûterait sûrement moins cher que la chambre d’hôtel de M. Trudeau à Londres afin qu’il dise “bye bye” à la reine.»