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Les groupes comme PolySeSouvient ou PAS ICI / NOT HERE souhaitent que le gouvernement fédéral prenne exemple sur la Nouvelle Zélande, qui a interdit les armes semi-automatiques de type militaire après la tuerie dans deux mosquées de Christchurch en mars dernier.

Contrôle des armes à feu : maintenant ou jamais ?

Pour la coordinatrice de PolySeSouvient, Heidi Rathjen, le temps passé n’a pas joué en faveur des militants pour un meilleur contrôle des armes. « Avec les gouvernements qui alternent entre conservateurs et libéraux, on perd la bataille à la longue, déplore-t-elle. On a perdu la plupart de nos mesures, on a un nombre record de propriétaires d’armes à feu, d’armes de poing, et un accès plus facile que jamais aux armes d’assaut. »

Cette ancienne diplômée de Polytechnique explique que l’arrivée des conservateurs au pouvoir de 2006 à 2015 a affaibli la plupart des gains obtenus après la tragédie de Polytechnique [Encadré 01]. Malgré la loi C-71 adoptée par le Sénat en mai dernier, Mme Rathjen estime que le gouvernement Trudeau n’a pas réparé les dégâts lors de son premier mandat. Pour elle, la lutte en est maintenant à un point critique. « Après trente ans et un gouvernement élu une deuxième fois sur la base d’une même promesse électorale, à savoir un meilleur contrôle des armes, si ce n’est pas maintenant, alors ce sera quand ? », questionne-t-elle.

Jeudi dernier, Justin Trudeau a réitéré son intention de bannir les armes d’assaut. « Il est temps de faire preuve de courage et de renforcer le contrôle des armes à feu », a-t-il déclaré lors du discours du trône. Il a également promis que les municipalités et les communautés qui veulent interdire les armes de poing pourront le faire. Cette dernière mesure est jugée mauvaise par PolySeSouvient. « Il suffit de regarder aux États-Unis pour constater le désastre de la mosaïque de lois locales des États, qui entraîne une libre circulation des armes », rapporte Heidi.

Une lutte déséquilibrée

La coordinatrice soutient que la lutte pour un meilleur contrôle des armes est appuyée par le public, mais elle déplore le manque de ressources financières pour faire face aux moyens déployés par le lobby des armes à feu.

Le coordonnateur aux affaires externes de l’Association étudiante de Polytechnique (AEP), Charles-Étienne Joseph, dresse le même constat. « C’est sûr qu’au niveau des ressources financières, le combat est déséquilibré, avance celui qui est également étudiant en génie informatique. Mais notre force, c’est le nombre, le mouvement étudiant est capable de se mobiliser rapidement. »

À titre d’exemple, le mouvement étudiant pancanadien pour le contrôle des armes PAS ICI/NOT HERE, lancé durant l’été 2018, rassemble à ce jour plus de 240 000 membres répartis en 18 groupes étudiants.

Le soutien des étudiants

Depuis leur rassemblement, les associations du mouvement s’organisent pour augmenter leur visibilité et faciliter la communication de leurs revendications. « On fait beaucoup de représentations au niveau fédéral ou provincial, et aussi auprès des médias, déclare le président de l’Union étudiante du Québec (UEQ), également membre de PAS ICI/NOT HERE, Philippe LeBel. On se sert de la tribune qu’on a pour pousser ce sujet-là et militer pour l’importance d’un meilleur contrôle des armes à feu. » [Encadré 02]

Outre le lobbyisme auprès des instances politiques, Charles-Etienne souligne que l’implication des étudiants se retrouve dans le soutien aux victimes et aux familles des victimes, ainsi que dans la mobilisation auprès d’organismes comme PolySeSouvient. Mme Rathjen confirme qu’ils travaillent ensemble, bien que leurs activités soient séparées. « On collabore, mais ils ont leur propre activité, leur propre manifeste et comité », détaille-t-elle.   

Pour le coordonnateur de l’AEP, si le nombre de membres joue en faveur des étudiants, le mouvement pâtit du roulement de personnel qui touche les associations étudiantes. « Les personnes sont appelées à changer chaque année, la connaissance des dossiers doit donc faire l’objet d’une passation, spécifie-t-il. C’est donc un travail supplémentaire face au lobby, qui a des personnes en place depuis plusieurs années. »

Il ajoute toutefois que le changement de personnel permet à de nouveaux étudiants de se sensibiliser à la cause, pendant que d’autres continuent la lutte en dehors des associations.

Un sujet proche des étudiants

Selon Charles-Etienne, la préoccupation étudiante pour ce sujet s’explique par la multiplication des tueries de masse et fusillades perpétrées dans des établissements d’enseignement. PAS ICI/NOT HERE rappelle que le Canada a vécu une dizaine de tueries au cours des 40 dernières années, dont six ont eu lieu dans un établissement scolaire.

« Les établissements d’enseignement ont souvent été visés par des personnes pour commettre des tueries de masse, souligne Charles-Etienne. Au Québec, on pense à Polytechnique, à Dawson ou à Concordia, mais aux États-Unis, c’est de plus en plus fréquent. Le contrôle des armes à feu est un enjeu de société qui touche particulièrement les étudiants. »

Mme Rathjen appuie les arguments des étudiants qui se plaignent de devoir suivre des exercices de confinement pour se protéger en cas de tuerie. « Il y a, depuis plusieurs années, des pratiques contre les tireurs fous dans les écoles, ce qui traumatise les élèves, révèle-t-elle. C’est tout à fait ridicule que l’on fasse vivre ça à nos étudiants, notre ressource la plus précieuse, alors qu’à côté, on permet encore la vente d’armes à feu qui facilitent ces tueries. »

Pour agir à leur échelle, M. LeBel invite les étudiants à contacter leur député local pour lui communiquer leur opinion au sujet d’un meilleur contrôle des armes.

Mme Rathjen se réjouit néanmoins de l’implication accrue des jeunes dans cette lutte. Elle rappelle qu’à la suite de la tuerie du 6 décembre 1989, les étudiants ont lancé une pétition qui a récolté plus de 560 000 signatures, et qu’ils ont réclamé une série de mesures qui ont mené au projet de loi C-68 en 1995. Selon elle, cette dernière législation a permis un contrôle des armes raisonnable et adéquat pour le Canada.

 

Encadré 01 : L’évolution de la législation

  • 1995 : adoption du projet de loi C-68, la Loi sur les armes à feu, et création du registre canadien des armes à feu.
  • 2012 : adoption du projet de loi C-19 du gouvernement conservateur de Stephen Harper, qui abolit le Registre des armes à feu non restreintes. La plupart des armes d’épaule sont sans restrictions, dont le Ruger Mini-14, l’arme à feu utilisée lors de la tuerie de Polytechnique.
  • Mai 2019: adoption du projet de loi C-71. Il permet de renforcer la vérification des antécédents et exige que les vendeurs vérifient la validité des permis d’armes à feu avant de vendre une arme sans restriction.
  • Campagne électorale 2019 : le gouvernement Trudeau promet d’interdire les armes d’assaut de type militaire, et de permettre aux villes canadiennes de bannir les armes de poing sur leur territoire.

 

Encadré 02 : Les revendications du mouvement PAS ICI/NOT HERE

  • Que le gouvernement du Canada interdise la possession privée d’armes à feu conçues pour tuer des humains rapidement et efficacement, notamment les armes d’assaut (versions civiles semi-automatiques d’armes militaires) ainsi que les armes de poing à caractère militaire (ex. : à gros calibre et/ou qui acceptent des chargeurs à grande capacité).
  • Que le gouvernement renforce les mesures concernant les chargeurs afin de les limiter à cinq cartouches et d’éliminer toute échappatoire permettant de contourner l’intention du législateur, incluant l’interdiction, les chargeurs pouvant être modifiés de manière à dépasser les limites légales en termes de nombre de cartouches permises
  • Que la responsabilité d’interdire les armes de poing revienne au gouvernement fédéral, et non aux villes. En association avec le parti d’opposition officielle au conseil municipal, Ensemble Montréal, et PolySeSouvient, PAS ICI/NOT HERE estime que la mesure du gouvernement Trudeau de donner aux villes la possibilité d’interdire les armes de poing sera inefficace.

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