Campus

Conserver la conservation

Malgré une augmentation de la demande professionnelle, il n’y aura pas de nouvelle cohorte cet automne en raison du nombre insuffisant de demandes d’admission. « Nous avons besoin d’un minimum d’étudiants pour créer une dynamique pédagogique intéressante, indique le professeur agrégé et vice-doyen aux études supérieures de la Faculté de l’aménagement, Juan Torres. Or, cette année, nous n’avons reçu que trois demandes d’admission. Nous avons donc décidé, cet hiver, de suspendre cette option. »

Cet état de fait désole l’étudiant à la maîtrise en aménagement Félix Rousseau, qui compte parmi les finissants de la dernière cohorte de cette option. « J’ai l’impression qu’on a laissé mourir ce programme à petit feu, confie-t-il. Personnellement, je n’ai jamais douté de sa pertinence ni de sa qualité. »

Problème de recrutement

Mis sur pied il y a trente ans, le cheminement interfacultaire en conservation du patrimoine bâti mobilisait souvent de petites cohortes, composées tout au plus d’une dizaine d’étudiants. Les dernières années ont cependant été plus difficiles en matière de recrutement, en conséquence de quoi différentes actions ont été posées. « Nous avons ouvert cette option aux étudiants venant d’autres disciplines, organisé des activités de recrutement et procédé à une autoévaluation du programme en 2014, affirme M. Torres. La suspension des admissions est l’occasion de réviser notre offre de formation afin de mieux l’arrimer aux besoins des étudiants. » D’après le vice-doyen, le grand nombre de formations disponibles en aménagement ainsi que la situation professionnelle des étudiants, qui concilient emploi et études, sont à l’origine du désintérêt envers ce programme.

 

La Faculté d’aménagement étudie plusieurs modifications possibles du programme ; parmi elles, la création d’un microprogramme d’un an, qui remplacerait la maîtrise, ou encore l’instauration d’un nouvel atelier pratique sur le patrimoine mondial. D’ici la refonte de l’option, aucune date de réouverture des admissions n’est envisagée. « Nous poursuivons davantage un objectif de qualité de formation que de rapidité », précise le directeur de l’École d’architecture de la Faculté de l’aménagement, Jacques Lachapelle.

Une flexibilité déjà présente

L’état affaibli de l’option Conservation du patrimoine bâti avait nécessité plusieurs ajustements et accommodements pour les sept étudiants de la cohorte de 2016. Certains cours étaient donnés une année sur deux et d’autres pouvaient être suivis hors programme. Une contrainte qui, aux yeux de Félix, se range aux côtés d’autres faiblesses de la formation, telles que le manque de renouvellement des ressources professorales, le peu d’encadrement dans la recherche de stage et le manque de visibilité donnée à cette option de la maîtrise en aménagement. « Malgré tout, c’était très enrichissant de suivre des cours dans d’autres programmes, confie-t-il. J’ai aussi réussi à trouver un stage cet été chez Action Patrimoine. »

Le parcours de l’étudiant à la maîtrise en aménagement Cameron Piper a lui aussi été parsemé d’embûches. Une aventure unique alors qu’il est arrivé à Montréal le 12 août dernier après avoir quitté la Caroline du Nord avec son camion de déménagement. Initialement accepté dans l’option Conservation du patrimoine bâti, il a été redirigé vers une autre option de la maîtrise, intitulée Ville, territoire et paysage. « Le 31 mars, j’ai reçu un courriel m’indiquant que l’option était suspendue, dévoile-t-il. On m’invitait à considérer une autre option, mais de type recherche, se souvient-il. Cela m’a beaucoup surpris et je n’étais pas convaincu au départ. » Plusieurs facteurs, dont une rencontre fortuite avec la coordonnatrice de l’option Conservation du patrimoine bâti, Claudine Déom, lors d’une conférence à San Antonio, au Texas, ont fini par le convaincre. « On s’est adapté et, somme toute, je suis satisfait, révèle-t-il. Il y a un mois, j’étais plutôt nerveux. » Il confie avoir éprouvé des difficultés à obtenir ses documents d’immigration suite au changement de son admission. Il admet également avoir ressenti de l’anxiété à l’idée d’être possiblement le seul étudiant à vouloir s’inscrire dans une option ayant finalement été suspendue.

Une vision du patrimoine

« Nous avons appris, dans notre formation, que nous ne sommes pas contre la disparition d’un bien patrimonial dans la mesure où le projet de remplacement qu’on nous propose en rehausse la qualité », remarque Félix. Il établit ainsi un parallèle avec son programme qui était bon, sans être parfait, et qui maintenant fait face à une issue incertaine. « Quelque chose va peut-être un jour ressurgir ou remplacer le programme, mais on ne le sait pas. » Selon lui, cela reste une bien mauvaise nouvelle pour le milieu de la conservation.

Partager cet article