Le débat entourant la question de la protection des conjoints de fait en matière matrimoniale est rouvert par le Conseil du statut de la femme (CSF), qui désire qu’on accorde aux conjoints de fait les mêmes protections qu’aux couples mariés ou en union civile.
« La situation est qu’en 2014, 80 % des couples en union de fait ne signent aucun contrat, ne bénéficient d’aucune couverture en cas de rupture », expose la présidente du CSF, Julie Miville-Deschêne. Le Conseil souhaite que les conjoints de fait se voient appliquer par défaut les dispositions du Code civil régissant les rapports pécuniaires entre époux. Ils pourraient donc être soumis à la pension alimentaire et au partage du patrimoine familial. Ce nouveau régime juridique existerait dès deux ans de cohabitation, ou si le couple a un enfant. Le CSF a proposé que les conjoints de fait, contrairement aux conjoints mariés ou unis civilement, puissent se soustraire à ce régime (opt out) en s’adressant à un notaire.
La présidente se base sur un sondage de la Chambre des notaires montrant que la majorité des Québécois ne savent pas que les lois ne leur accordent aucune protection lorsqu’ils sont dans une situation de conjoints de fait. Elle se demande s’il y a un « caractère éclairé des choix faits par les femmes pour une forme d’union plutôt qu’une autre. » Mais, si les conjoints de fait ignorent qu’ils ne bénéficient d’aucune protection juridique, sauront-ils qu’ils pourront user l’option de retrait du régime préconisé par le CSF ? Au lieu de repenser le statut juridique des conjoints de fait, ne vaudrait-il pas mieux informer davantage, faire connaître au public ce que les lois prévoient ?
Un souci de protection
En fait, affirmer que les conjoints de fait n’ont aucune protection juridique est faux. La loi prévoit que ces conjoints peuvent, par une convention appelée « contrat de vie commune », établir des règles choisies ensemble concernant la protection de la résidence familiale et d’autres protections en cas de séparation, comme un partage des biens, une prestation compensatoire ou une pension alimentaire pour l’un d’eux. Les conjoints établissent un contrat sur mesure, selon leurs intérêts, là où la loi impose un régime strict avec peu d’adaptation pour les conjoints mariés ou unis civilement.
Mais, le manque d’informations entraîne de fortes inégalités entre les conjoints qui ne se protègent pas durant la vie commune. Au moment de la rupture, l’une des deux parties peut se retrouver dans une situation de vulnérabilité, qui sera d’autant plus préoccupante lorsque des enfants sont issus de l’union.
Dans l’avis rendu, le CSF laisse suggérer que les femmes ne sont pas en mesure de savoir ce que prévoit juridiquement le statut de conjoints de fait, alors que ce sont les conjoints de fait dans leur ensemble, femmes et hommes, qui l’ignorent. L’avis lui-même porte comme titre : « Pour une véritable protection juridique des conjointes de fait ».
Bien que la mission du CSF est de s’intéresser aux questions d’égalité entre femmes et hommes, si la question d’accorder plus de protection aux conjoints de fait est posée, la loi doit le faire dans un souci de neutralité et d’impartialité, la question doit être transversale au genre.
En 2014 près de 38 % des Québécois sont conjoints des faits, contre 8 % en 1981.