Une des conséquences prévues de la hausse des frais de scolarité, c’est que les étudiants vont plus s’endetter auprès des banques. La Fédération des étudiants universitaires du Québec (FEUQ), une syndicaliste et un professeur de sciences économiques s’entendent difficilement sur la portée du phénomène.
Ce sont 52 % des étudiants qui ont un prêt de l’Aide financière aux études qui doivent se tourner vers d’autres sources d’endettement pour assumer les dépenses liées à leurs études, souligne la FEUQ dans un rapport de recherche intitulé L’endettement étudiant – États des lieux, déterminants et impacts paru en septembre 2011.
La Fédération ajoute que la nouvelle hausse de 1 625 $ des frais de scolarité de Jean Charest ne fera qu’aggraver une situation déjà très préoccupante. Dans ce même rapport, la FEUQ met cependant en avant les avantages des prêts privés, qui offrent la possibilité de choisir le montant à emprunter ou même la possibilité de déclarer faillite.
En revanche, le manque de clarté des informations fournies par les banques pose problème. « Les institutions financières doivent faire un effort dans leur publicité », explique l’attaché de presse de la FEUQ, Mathieu Leblanc. « Elles utilisent trop de raccourcis. » Un point confirmé dans l’étude qui scrute la publicité faite par six institutions.
« Les coûts relatifs aux prêts privés sont rarement mentionnés et expliqués », précise le document.
Mon banquier est riche
Selon Régine Laurent, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), cette hausse des frais de scolarité permettra avant tout aux banques de s’enrichir. « J’ai l’impression que nos dirigeants cherchent plus à rendre service aux banques qu’à l’enseignement », a-t-elle regretté dans Le Devoir du 7 novembre dernier.
« Ce n’est pas le nerf de cette guerre, affirme Michel Poitevin, directeur du Département de sciences économiques de l’UdeM, en réaction à cette affirmation. On aime toujours s’en prendre aux banques, mais elles sont au cœur de l’activité économique. »
Selon lui, les profits réalisés grâce aux prêts étudiants sont trop peu importants pour que l’on puisse établir une corrélation entre hausse des frais et enrichissement des banques. M. Poitevin préfère parler d’une coopération entre « deux agents économiques » profitable à toute la société. « Vous allez acheter de l’argent à un prix qui est le taux d’intérêt, ce qui vous permet d’aller à l’université », résume-t-il. Cet échange peut aussi être un moyen de développer des occasions d’affaires grâce aux relations qui se créent entre un étudiant et son institution. Bref, un moteur de l’activité économique.
Mme Laurent réfute cette idée d’un échange profitable à tous, l’appauvrissement des étudiants restant un fléau à long terme qui désavantage les classes défavorisées. « Certains étudiants mettent 10 ans à rembourser leurs prêts, explique-t-elle. Ce sont les moins bien nantis qui vont payer. » De son côté, M. Poitevin ne pense pas que les étudiants soient pauvres, bien au contraire. « Ils vont chercher un capital humain très important, dit- il, on sait qu’une fois sur le marché du travail, un diplôme permet d’ouvrir plus de portes. Les étudiants sont donc les plus riches de leur génération. »
Étudiants impatients
Pour lui, c’est la logique du « tout avoir, tout de suite » qui fait que les étudiants se sentent démunis. « Certes, les étudiants sont pauvres lorsqu’ils sont à l’école, poursuit-il, mais les sacrifices qu’ils font maintenant sont récompensés plus tard. Le vrai problème est de savoir comment gérer le manque de liquidités aujourd’hui. » Les banques apporteraient une solution viable à ce problème.
Si le mode de financement public ou privé des études fait débat, tant Mme Laurent que M. Poitevin jugent « inégalitaire » la façon dont le gouvernement attribue les bourses. « En prenant en compte le revenu des parents, explique Mme Laurent, c’est le statut social qui va décider de qui peut entreprendre des études supérieures. »
Michel Poitevin estime qu’il faut tenir compte du programme suivi, car les coûts de formation varient. « Un apprenti ingénieur a besoin de matériel qui coûte plus cher à l’école qu’une personne suivant une formation en enseignement, explique-t-il. En accordant des bourses de même montant à ces deux catégories d’étudiants, on finance l’une plus que l’autre. »
Desjardins annonce un nouveau programme de bourses
Au moins une bonne nouvelle pour les étudiants, la Fondation Desjardins inaugura le 30 janvier son nouveau système de bourses d’études. près de 400 bourses pour un total d’un million de dollars seront ajoutées à l’ancien dispositif. Les caisses Desjardins proposeront donc près de 3 500 bourses pour un total de 2,7 millions dollars.
Tous les étudiants postsecondaires sont invités à tenter leur chance. Une partie des bourses sera accordée en priorité aux étudiants en finances « qui pourraient travailler par la suite au sein de Desjardins » précise Eliane Didier, coordinatrice à la fondation desjardins. il n’est pas nécessaire d’être membre de la caisse Desjardins pour postuler. Toutefois, en cas d’obtention, l’argent devra être versé sur un compte de la caisse.
Les démarches seront accessibles à partir de chaque bureau de la caisse Desjardins et du site internet de la Fondation Desjardins.
CYRIL L’ALLINEC