Concours d’éloquence : le cri d’indignation d’une future infirmière

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Par Anaïs Amoros
vendredi 8 avril 2022
Concours d’éloquence : le cri d’indignation d’une future infirmière
Claudel Aylwin a remporté le 3e prix du concours grâce à sa prestation. L'occasion pour elle de mettre en lumière les conditions déplorables de la profession d'infirmière. Crédit photo: Rémy Boily
Claudel Aylwin a remporté le 3e prix du concours grâce à sa prestation. L'occasion pour elle de mettre en lumière les conditions déplorables de la profession d'infirmière. Crédit photo: Rémy Boily
L’étudiante en troisième année au baccalauréat en sciences infirmières Claudel Aylwin a remporté le troisième prix de la 4e édition du concours d’éloquence Délie ta langue. Grâce à l’expression « Avoir le cœur sur la main », elle a déploré les conditions de travail des infirmières.

Le concours Délie ta langue

Ce concours, créé par la professeure titulaire au Département de linguistique et de traduction à l’UdeM Monique Cormier, est organisé par le Bureau de valorisation de la langue française et de la Francophonie de l’Université de Montréal.

Il vise à « promouvoir l’usage de la langue française dans sa diversité, de façon positive, originale et dynamique, en privilégiant la liberté d’expression en milieu universitaire ». Pour y participer, les étudiant·e·s de premier cycle de l’Université de Montréal, de l’Université Concordia, de l’Université de Sherbrooke ainsi que de l’Université du Québec à Rimouski doivent choisir et mettre en valeur une expression française, l’analyser et l’expliquer, mais aussi la mettre en lien avec un enjeu social.

La finale du concours, qui a réuni les dix finalistes, s’est tenue à Montréal en ligne le lundi 28 mars dernier. Trois prix ont été attribués, en plus des prix Coup de cœur du jury et Coup de cœur du public. Le premier prix a été attribué à Valérie Bélange, étudiante à l’Université du Québec à Chicoutimi et le deuxième prix à Ema Holgado, étudiante à l’Université de Sherbrooke.

« Les infirmières ont le cœur sur la main », a soutenu Luc Mathieu, président de l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec en mars 2020 à Patrick Lagacé pour désigner les infirmières retraitées qui sont venues aider à faire face à la pandémie.

Cette déclaration, qui signifie que les infirmières sont généreuses, a fait sourciller l’étudiante en troisième année en sciences infirmières Claudel Aylwin. « On pourrait croire que pour être généreux, il faut s’arracher le cœur et donner sa vie pour autrui », s’indigne-t-elle, déjà écœurée par la profession. « Les conditions pour être infirmière sont horribles en ce moment », explique-t-elle. L’étudiante a même hésité à abandonner sa formation en sciences infirmières pour étudier en littérature.

Le concours d’éloquence Délie ta langue, dont le principe est de choisir une expression de la langue française et de la relier à un enjeu social pendant une prestation scénique de cinq minutes, a été pour Claudel l’occasion idéale de « mixer cette crise existentielle du métier d’infirmière avec (son) amour pour la langue et la littérature ».

Le mythe de l’infirmière : jouer sur la corde sensible de l’empathie

« Il y a cette croyance que les infirmières sont tellement généreuses et bonnes que peu importe les conditions de travail, elles vont l’accepter », déplore Claudel. Selon elle, ce mythe cristallise les conditions de travail « horribles » de la profession.

« Oui, c’est en partie vrai que les infirmières sont très empathiques, admet l’étudiante. Mais à la fin de la journée, quand on est épuisé, ce n’est pas vrai qu’on va rester parce qu’on se préoccupe tellement de nos patients, on va rester parce qu’on n’a pas le choix, on se le fait imposer?! »

Heureuse d’avoir expérimenté l’éloquence, Claudel relève que « c’est quand même spécial » d’effectuer une performance sur scène et d’être écouté. «?Avec les intonations et les mouvements qu’on va faire, ajoute la lauréate du troisième prix, ça donne du sens au texte, de l’émotion.?» C’est d’ailleurs grâce à ce côté émotionnel que Claudel pense avoir fait la différence et gagné des points.