Comprendre son cerveau pour mieux étudier

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Par Alexia Boyer
lundi 13 février 2023
Comprendre son cerveau pour mieux étudier
Prise de notes manuscrites et outils numériques sont maintenant compatibles grâce à une variété d’applications pour les tablettes et les téléphones intelligents. Photos | Juliette Diallo
Prise de notes manuscrites et outils numériques sont maintenant compatibles grâce à une variété d’applications pour les tablettes et les téléphones intelligents. Photos | Juliette Diallo
La nouvelle année et le début de la session sont deux moments propices à la prise de nouvelles habitudes d’étude. Comprendre comment fonctionne son cerveau permet de miser sur certaines techniques dont les sciences cognitives ont démontré l’efficacité. Quartier Libre a rencontré un spécialiste en neuropsychologie pour en savoir plus.
« Paradoxalement, c’est en contexte d’évaluation qu’on apprend le mieux. »
Dave Ellemberg, Professeur en neuropsychologie à l’UdeM

Comme le précise le professeur en neuropsychologie à l’UdeM Dave Ellemberg, plusieurs facteurs cognitifs jouent un rôle dans l’apprentissage des étudiant·e·s, tels que l’attention, la mémoire à court terme ou encore les capacités exécutives de structure et d’organisation. « Certaines personnes structurent naturellement l’information quand elles apprennent, alors que pour d’autres, ça ne se fait pas tout seul », explique-t-il. Heureusement, des stratégies d’apprentissage permettent de compenser

Répéter ou se tester ?

« Ce n’est pas en mettant de l’information dans notre tête qu’on apprend le mieux, mais en tentant de la retirer », déclare le docteur Ellemberg, qui se base sur les travaux de la spécialiste des sciences cognitives Pooja K. Agarwal. Depuis 2005, la professeure adjointe au Berklee College of Music de Boston consacre ses recherches à comprendre la manière dont les étudiant·e·s apprennent. Elle a ainsi mis en évidence que ces dernier·ère·s ne mémorisent pas mieux leurs cours en les relisant ou en les réécoutant, mais en fournissant l’effort de se rappeler l’information.

Elle propose donc de prendre connaissance une première fois de la matière, puis de répondre à des questions sur son contenu. « L’apprentissage est encore meilleur si les questions sont difficiles, car l’effort permet de consolider l’apprentissage, même s’il y a un échec, précise le docteur Ellemberg. Se rendre compte de son erreur permet d’apprendre encore mieux. »

S’évaluer pour apprendre

« Paradoxalement, c’est en contexte d’évaluation qu’on apprend le mieux », poursuit le neuropsychologue, qui applique une méthode de la docteure Agarwal. Il soumet ses étudiant·e·s à des questionnaires hebdomadaires, un outil d’apprentissage plus que d’évaluation, qui ne comptent que pour 10 % à 15 % de la note finale du cours. Ce système a entraîné une hausse de leur implication dans le cours et de meilleurs résultats aux examens finaux.

Pour se tester, les étudiant·e·s utilisaient auparavant des fiches cartonnées. Grâce au numérique, le support a évolué. « Les cartes Anki sont très populaires dans mon programme », témoigne l’étudiante en deuxième année au doctorat de premier cycle en médecine Alicia Truchon. Anki, qui signifie « mémorisation » en japonais, est un logiciel qui interroge l’utilisateur·rice sur le contenu de fiches-mémoires qu’il et elle a créées. Ce système favorise également le travail collaboratif, car, comme le mentionne l’étudiante, un·e membre de la cohorte peut partager ses cartes Anki aux autres étudiant·e·s.

S’approprier la matière

De son côté, Alicia préfère réécrire ses cours à la main, en y ajoutant des couleurs, des schémas, ou toutes sortes d’éléments qui lui donnent la possibilité de mieux s’approprier la matière. Des preuves scientifiques appuient d’ailleurs les bienfaits de cette technique de révision. En effet, une étude menée par des chercheurs de l’Université de Princeton et de l’Université de Californie démontre que les étudiant·e·s qui prennent des notes manuscrites obtiennent de meilleurs résultats que celles et ceux qui les tapent à l’ordinateur, en particulier en ce qui concerne les informations conceptuelles, c’est-à-dire celles qui touchent à des notions abstraites1. En cause, la distraction et l’éparpillement que favorise l’accès à Internet, mais aussi les mécanismes mnémotechniques qui se mettent en place pendant la prise de notes. Ainsi, dans la mesure où une personne qui rédige à la main ne peut pas écrire autant de mots à la minute que lorsqu’elle utilise un clavier, elle doit davantage synthétiser et trier l’information, ce qui donne l’occasion de se réapproprier la matière plus efficacement.

Donner du sens

Se réapproprier la matière passe également par lui donner du sens. « Parfois, on a du mal à comprendre pourquoi on étudie quelque chose, souligne le docteur Ellemberg. Ça vaut le coup de faire plus de recherche sur un sujet pour comprendre son intérêt et se construire un récit. » En effet, tisser des liens entre les faits à apprendre et des éléments importants mobilise la mémoire épisodique. Celle-ci rattache un lien émotionnel à l’information, relie le contenu du cours à des caractéristiques qui provoquent une émotion chez l’étudiant·e, ce qui lui donne donc la possibilité de le mémoriser. En plus de stimuler la motivation, cette technique fait appel à un type de mémoire plus robuste que la mémoire sémantique, qui retient habituellement les informations telles que les dates ou les faits.

Étudier dans le silence de sa chambre ou le brouhaha d’un café, il n’y a pas de recette magique pour réussir. Chaque étudiant·e doit faire ses propres expériences, précise le neuropsychologue Dave Ellemberg. Photos | Juliette Diallo

En outre, le docteur Ellemberg suggère de varier les sujets étudiés au sein d’une même journée afin de ne pas tomber dans l’ennui, mais aussi d’éviter les interférences. En effet, se pencher sur deux matières qui se ressemblent beaucoup l’une après l’autre fait courir le risque de les mélanger.

Gérer son temps

Gérer son temps constitue un autre défi. En planifiant les tâches qu’elle doit accomplir, Alicia décide de la durée maximale qu’elle doit allouer à leur exécution. « Ça me force à être efficace », affirme-t-elle.

L’étudiante en deuxième année au baccalauréat en histoire Flavie Lemoine utilise la méthode Pomodoro, qui préconise d’alterner des périodes de travail de 25 minutes avec des pauses de 5 à 10 minutes. Au bout de quatre phases de travail, une pause de 20 à 25 minutes est requise. Bien que cette méthode soit bénéfique pour bien structurer son temps, le docteur Ellemberg suggère plutôt des temps d’étude plus longs afin de favoriser la rétention des informations. « Une période d’étude trop courte ne permet pas de consolider les apprentissages, explique-t-il. Il faut consacrer un minimum de 50 minutes à son étude pour être efficace. » 

LE SPORT, LE MEILLEUR STIMULANT

En mars 2020, dans un article intitulé « Se droguer pour réussir », Quartier Libre abordait le phénomène des étudiant·e·s qui avaient recours à des « drogues de performance » ainsi que les effets néfastes de ces substances. Le docteur Ellemberg déconseille bien évidemment leur utilisation et précise que le sport reste le meilleur stimulant, d’autant plus que les psychostimulants augmentent les capacités de concentration, mais pas la mémoire. Pour réellement augmenter ses capacités cognitives avant une session d’étude, le neuropsychologue conseille la pratique d’une activité qui fait « augmenter le rythme cardiaque pendant 20 à 30 minutes ».

 
1. Pam A. Mueller et Daniel M. Oppenheimer (2014) : The Pen Is Mightier Than the Keyboard : Advantages of Longhand Over Laptop Note Taking. Psychological Science, 25 (6) 1159 – 1168.
 
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