Canal Savoir diffuse la neuvième saison de l’émission Au cœur du cinéma québécois, animée par la professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM Isabelle Raynauld. Dans quelle mesure le cinéma québécois intéresse-t-il les étudiants ? Par Cédric Thévenin
Depuis 2009, chaque épisode présente un artisan du cinéma national au sujet de sa carrière et de l’évolution de son métier. Elle recevra cette année le réalisateur québécois nommé aux Oscars Jean-Marc Vallée. Mme Raynauld tient à présenter ce programme à ses étudiants. « Cet enseignement fait le pont entre la pratique, la théorie et le milieu, explique-t-elle. Les étudiants disent qu’il les aide énormément à comprendre le fonctionnement de l’industrie. Il les met en contact avec des praticiens. »
Au-delà des succès de réalisateurs vedettes comme Xavier Dolan, le cinéma québécois reste présent dans les débats universitaires, selon la chargée de cours au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM Julie Ravary-Pilon. « Ce n’est pas parce qu’ils abandonnent la cause nationaliste que les jeunes Québécois n’accordent pas d’importance à la vitalité de leur cinéma national, constate-t-elle. Le débat autour des dernières œuvres de Denis Villeneuve aux États-Unis agite les étudiants et les étudiantes. »
La coordonnatrice de Ciné-Campus Amélie Michaud perçoit aussi de l’intérêt pour le cinéma québécois chez les 18-30 ans et fonde son opinion sur des chiffres. La salle de l’UdeM attire de plus en plus de spectateurs : 5 000 en 2012 et 10 000 en 2017, dont 85 % de ces derniers sont étudiants. Et le top 3 annuel des films les plus populaires de sa programmation se compose souvent de films québécois (alors que ceux-ci représentent entre 25 % et 40 % des programmations annuelles). « Mommy de Xavier Dolan s’est classé numéro 1 en 2015 et La ferme et son état a été l’un des films les plus populaires de 2017 », illustre-t-elle.
Le cinéma québécois, porteur de diversité
Pour la programmatrice du cinéma de l’UdeM, les jeunes apprécient de voir leurs vies de mieux en mieux décrites par les œuvres des nouveaux réalisateurs québécois. Elle cite Stéphane Lafleur, Maxime Giroux, Raphaël Ouellet, Chloé Robichaud et Anne Émond en exemple. « Le fait que le cinéma québécois soit multicolore, ça plaît aux gens », assure-t-elle.
Une position partagée par Mme Ravary-Pilon. « S’ils n’avaient pas de cinéma national, ils auraient probablement une seule vision du monde », ajoute-t-elle.
Un film marque la rencontre du grand public québécois avec son cinéma national, selon Mme Ravary-Pilon : C.R.A.Z.Y., sorti en 2005. « C’est une histoire profondément québécoise, qui raconte l’évolution du rapport à la religion », analyse-t-elle. Selon elle, les spectateurs se sont reconnus dans le tableau de famille qu’il met en scène ou ont été interpelés par lui.
Des productions américaines plus accessibles
Néanmoins, les productions américaines des réalisateurs québécois ont déterminé la perception du cinéma de beaucoup de ses étudiants, d’après elle. Elle fait notamment référence à Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée. « Ces films ont été beaucoup vus au Québec, se souvient-elle. Ils étaient marquants, beaucoup plus distribués, beaucoup plus accessibles que les films de Denis Côté, par exemple. »
L’étudiant en première année de baccalauréat en cinéma à l’UdeM Francis Mercier raconte que sa mère a été la seule à l’initier à des films comme La guerre des tuques. « C’est sûrement un peu de paresse de mon côté », confie-t-il. Il dénonce également un manque de publicité pour son cinéma national. « Je suis peu familier avec le cinéma québécois, avoue l’étudiant. J’ai toujours été exposé à des films hollywoodiens et même européens avant le cinéma québécois. »
Un Québécois à Hollywood… et à l’UdeM
Selon Mme Ravary-Pilon, les réalisateurs québécois embauchés pour des productions américaines contribuent à dynamiser l’industrie cinématographique de leur pays. « C’est important pour eux de continuer à travailler avec les mêmes gens », assure-t-elle. Elle rappelle que le Québécois Sylvain Bellemare a reçu un oscar pour le montage sonore d’Arrival, réalisé par Denis Villeneuve. « Les plus curieux se rendent compte que ce sont des noms québécois », ajoute Mme Michaud, qui croit que les films de la Belle Province gagneront ainsi de l’audience. Le réalisateur Jean-Marc Vallée rencontre également un certain succès de l’autre côté de la frontière, et sera présent cette année pour les étudiants au baccalauréat en cinéma.