À la suite de la tuerie perpétrée dans une mosquée de Québec le dimanche 29 janvier par un suspect étudiant à l’Université Laval, de nombreuses questions se posent quant aux conséquences d’une trop grande liberté d’expression. En réponse à ces évènements qui ont suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, le SPVM a lancé un appel à dénoncer les propos haineux et dit avoir recensé un nombre très élevé de dénonciations depuis. Nous devons prendre très au sérieux ces messages haineux, et cette intervention de la part des services de police est encourageante, car de tels propos ne devraient pas être tolérés sous couvert de la liberté d’expression.
Que ce soit sur les réseaux sociaux ou à l’université, la liberté d’expression devrait permettre tous les discours, excepté ceux qui sont déjà condamnés par la loi telles que les incitations à la haine ou les menaces. Les zones grises existent sans doute, mais en cette matière, il est préférable de bénéficier d’une trop grande liberté d’expression plutôt que d’en manquer. S’il existe un coût à cette tolérance, que ce soit l’inconfort devant des propos à l’encontre de nos croyances ou des discours dérangeants de manière générale, il faut toutefois veiller à éviter la censure, comme ce pourrait être le cas à l’Université de l’Oregon.
Le cas de l’Oregon
En effet, nous apprenions il y a quelques semaines que cette institution brime la liberté d’expression de ses professeurs sur des sujets comme la race, la religion ou l’orientation sexuelle. Ces derniers peuvent être suspendus ou renvoyés si leurs propos sur ces sujets produisent un « environnement hostile », est-il indiqué dans la politique contre le harcèlement de l’Université de l’Oregon. Notre sens commun nous guide vers l’idée que des propos délibérément racistes ou violents devraient être condamnés et que de telles conséquences ne relèvent pas de la censure. Or, la politique vise un éventail de discours beaucoup plus large que celui des discours qui sont déjà condamnés par la loi.
De telles mesures à l’université peuvent avoir des conséquences néfastes pour la recherche comme pour l’enseignement. Afin de ne pas se faire suspendre, les professeurs pourraient devenir craintifs à l’idée d’aborder des sujets sensibles, mais qui auraient un apport pédagogique. Même les sciences « pures » pourraient souffrir de censure. On peut penser à certains groupes religieux créationnistes aux États-Unis qui pourraient en profiter pour censurer des publications scientifiques en évoquant l’« environnement hostile » causé par ces recherches. Les dérives possibles d’une telle politique mettent en évidence son absurdité, et nous devons nous méfier de cette décision de l’Université de l’Oregon, mettant en danger la liberté universitaire dans ce lieu où elle est le principe central d’une société libre et démocratique.
Dans le même ordre d’idées, une conférence a été annulée à l’UQAM en novembre dernier à cause de nombreuses interruptions subies par la conférencière qui avaient selon certains des propos transphobes. Certains discours peuvent choquer, fâcher, frustrer ou même mettre en colère, et ces sentiments peuvent être justifiés. Toutefois, il faut toujours garder en tête que nos propres convictions doivent sans doute causer le même effet chez d’autres et nous ne voudrions pas que nos publications ou conférences soient annulées pour autant.
Des messages de toutes sortes ont été publiés ces derniers jours sur les réseaux sociaux. Certains invitaient à la violence, et les auteurs de ces propos doivent faire face à la justice. En ce qui concerne les discours dérangeants, mais non condamnables d’un point de vue légal, nous devons avoir confiance en la raison des intervenants et croire que la meilleure manière de mettre sous silence un argument est de le réfuter.