« J’ai déjà manqué l’autobus 51 une fois en voulant respecter les règles de circulation, alors maintenant, s’il n’y a pas de voiture, je traverse », déclare Aïcha El Hedhiri, étudiante en psychoéducation. Nous sommes au coin de l’avenue Vincent-D’Indy et du boulevard Édouard-Montpetit, devant le pavillon Marie-Victorin, là où le système de feux de circulation exaspère les étudiants.
Pendant une heure, Quartier Libre a observé 100 étudiants fréquentant le pavillon Marie-Victorin, le pavillon de la Faculté de musique et le CEPSUM pour déterminer quel est le véritable facteur qui incite les piétons à ne pas respecter le code de la route à ce coin de rue. Note : pour traverser à cet endroit en toute sécurité, il est nécessaire d’appuyer sur un bouton qui donne priorité de passage aux piétons.
Les résultats montrent que les étudiants ne respectent majoritairement pas la signalisation: 82 étudiants traversent la rue sans attendre le signal.
Parmi eux, 55 appuient sur le bouton, mais n’attendent pas que le feu piéton passe au blanc. Les 31 autres n’utilisent pas du tout le bouton et s’engagent sur la chaussée sans tenir compte de la réglementation.
Seulement 12 d’entre eux actionnent le bouton qui permet de traverser et sont suffisamment patients pour attendre l’apparition de la silhouette blanche avant de s’engager sur la chaussée en toute sécurité. Semblant ignorer l’existence du bouton, deux étudiants ont même attendu plus de cinq minutes avant de traverser.
« Il faut attendre trop longtemps la lumière, s’indigne Stéphanie Pelletier, étudiante en psychoéducation. En plus, je ne comprends pas la succession des feux de circulation. Je préfère passer par le passage souterrain du métro Édouard-Montpetit pour aller à l’arrêt d’autobus de l’autre côté de la rue, sinon, j’ai trop l’impression de perdre mon temps. » Cependant, passer par la station de métro Édouard-Montpetit pour gagner du temps est en réalité une fausse astuce, puisque le trajet prend une minute entre l’entrée et la sortie du métro.
Le temps d’attente à ce coin de rue est-il vraiment plus long qu’ailleurs ?
Pour traverser l’avenue Vincent- D’Indy avant que la silhouette n’apparaisse, les étudiants doivent attendre de 35 à 45 secondes. Pour franchir le boulevard Édouard-Montpetit, il faut attendre de 45 à 55 secondes. La fluidité de la circulation piétonne au croisement Jean- Brillant et Decelles donne l’impression que le temps d’attente avant de traverser est moins long. Pourtant, les piétons qui empruntent ce coin de rue doivent attendre tout autant (maximum 48 secondes) avant de pouvoir s’engager sur la chaussée.
Le vrai problème, c’est le temps alloué aux piétons pour traverser la rue. Si les piétons du coin Vincent- D’Indy et Édouard-Montpetit ont moins de sept secondes pour traverser, les piétons du coin Jean-Brillant et Decelles, eux, bénéficient de 16 secondes grâce au feu blanc, et de 10 secondes de plus avec les feux à décomptes numériques. Ils ont donc 26 secondes en tout pour traverser la rue en toute sécurité.
Pourquoi la Ville de Montréal n’accorderait- elle pas le même temps aux piétons de Vincent-D’Indy qu’aux piétons de Jean-Brillant pour leur permettre de traverser en toute sécurité le boulevard Édouard-Montpetit et l’avenue Vincent-D’Indy ? Est-ce que le piéton ne devrait pas avoir priorité sur le véhicule comme le préconise la Charte du piéton intégrée au Plan de transport de Montréal [voir encadré] ? Quartier Libre a déposé une demande d’accès à l’information auprès de la Ville de Montréal pour savoir ce qui justifie un laps de temps aussi court pour traverser la chaussée au croisement Vincent D’Indy et Édouard-Montpetit.
Donner la priorité aux piétons
La Charte du piéton fait partie du Plan de transport de Montréal. Elle a été signée en 2006 par Gérald Tremblay, le maire de Montréal et Andrée Lavallée, membre du Comité exécutif et responsable du transport collectif et de l’aménagement urbain. La Charte a pour objectif de «donner la priorité aux piétons dans l’aménagement urbain» et propose «des moyens de créer une ville pour tous, où l’espace urbain est aménagé pour répondre, en priorité, aux besoins des personnes avant ceux des véhicules».
37 $ d’amende
Devant une main fixe ou clignotante, le piéton n’a pas le droit de s’engager sur le passage pour piétons. S’il est déjà en train de traverser, il doit presser le pas jusqu’au trottoir ou la zone de sécurité. En ne respectant pas cette signalisation, vous risquez jusqu’à 37 $ d’amende pour infraction au code de la route.