Volume 22

Façade de l'Université américaine d’Asie centrale. Photo : Émile Duchesne.

Ces femmes qui étudient au Kirghizstan

L’auteur est étudiant au baccalauréat en anthropologie à l’UdeM et effectue actuellement des études en Asie centrale.

« Mes parents attendaient de moi que j’aille à l’université, et pour moi aussi c’était naturel d’y aller », raconte l’étudiante kirghiz Gulniza Taalaibekova. Malgré de graves problèmes, le Kirghizstan fait bonne figure dans la région en ce qui a trait aux droits démocratiques et à la condition féminine. Sous le régime totalitaire d’Islom Karimov en Ouzbékistan, par exemple, on exige un test physique de virginité aux femmes non mariées qui sortent seules du pays.

Toutefois, certains parents envoient leur fille à l’université afin de les marier à une famille plus riche. Le mariage pouvant avoir lieu pendant les études, il met souvent fin à leur parcours scolaire. « Pour plusieurs jeunes femmes, le choix des études ne représente qu’une façon de se promouvoir dans le marché des fiancées », remarque la professeure spécialisée sur les questions de genre et de développement au Département de psychologie de l’Université américaine d’Asie centrale Elena Kim. Cette situation se confirme par les taux d’abandon chez les jeunes femmes. « Ici, il y a plus de femmes que d’hommes qui entrent à l’université, mais il y a plus d’hommes qui ressortent avec un diplôme », ajoute Elena Kim.

Dans ce pays, l’héritage soviétique se fait toujours ressentir. « Durant l’époque soviétique, les femmes étaient encouragées à poursuivre des études supérieures, et le système scolaire le permettait par son accessibilité » , explique Gulniza. Des coûts sont désormais exigés dans la majorité des universités d’Asie centrale. Au Kirghizstan, il est néanmoins toujours possible d’étudier gratuitement à l’Université Manas. Cette université est financée par la Turquie qui cherche à accroître son influence dans la région.

Même son de cloche de la part de l’étudiante d’une minorité ouzbek du Tadjikistan Mamura Shadieva. « Je pense que c’est normal, juge­-­t-elle. Tout le monde va à l’université ! Je ne veux pas devenir une ménagère ! » Ayant déjà un diplôme d’une université tadjik, elle cherchait une meilleure éducation en venant au Kirghizstan.« Je voulais perfectionner mon anglais, et l’éducation y est de plus grande qualité qu’au Tadjikistan, renchérit-elle. Heureusement, j’ai eu des bourses, sinon je n’aurais jamais pu payer les frais. » Les frais de l’Université américaine d’Asie centrale sont les plus élevés du Kirghizstan.

Des Afghanes à l’Université américaine d’Asie centrale

Fuyant les problèmes de l’Afghanistan, plusieurs Afghanes choisissent d’étudier à l’Université américaine.« Pour nous, la sécurité, c’est un enjeu, raconte l’étudiante en économie d’origine afghane Adiba Juya. En Afghanistan, en se rendant à l’école, on pouvait tomber sur un attentat. Ici au Kirghizstan, on n’a pas cette peur-là. »

L’accès à l’éducation pour une femme en Afghanistan est très difficile. « Mon père ne voulait pas que j’étudie à l’université, confesse l’étudiante en études européennes Reihana Safi*. Comme j’ai eu des bourses, je ne lui ai pas laissé le choix et j’ai pris ma propre décision. Mes études ne l’inté­ressent pas. Les hommes afghans nous imposent de rester chez nous. C’est mal vu pour une fille de vouloir être éduquée. En 2011, par exemple, des hommes ont brûlé plusieurs écoles pour jeunes filles partout dans le pays. »

En arrivant au Kirghizstan, plusieurs femmes afghanes décident de retirer leur voile.« Je n’ai pas besoin de porter mon voile pour prouver que je suis musulmane, explique l’étu­diante en anthropologie Samira Alokozay. Si je le porte en Afghanistan, c’est que j’y suis obligée. » À Kaboul, refuser de porter son voile peut se révéler fatal. « Si je me promenais à Kaboul sans mon voile, je me ferais tuer par un inconnu qui en serait offensé », s’indigne quant à elle Reihana*.

Les trois femmes comptent retourner en Afghanistan et espèrent que les choses y changeront.« Je suis la première fille de ma famille à savoir conduire, souligne Reihana*. Je suis aussi la première à étudier à l’étranger et je sais qu’il y en aura une deuxième, une troisième et ainsi de suite. » Elles font donc partie du changement.

* Nom modifié. 

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