Ces contrats électroniques que personne ne lit

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Par Christopher Dicecca
jeudi 22 mai 2014
Ces contrats électroniques que personne ne lit
Un extrait des 364 pages du contrat d'utilisation du logiciel IOS 5 d'Apple.
Un extrait des 364 pages du contrat d'utilisation du logiciel IOS 5 d'Apple.

Un clic, j’arrive sur le site web; un clic, je choisis un article et je le mets dans le panier; un clic, je passe la commande; un clic, je paye; un clic, je coche la case que j’ai bien lu les conditions générales de vente. En cinq clics je viens de passer un contrat sur internet. Un contrat ? Que j’ai lu ? Bien sûr que non.

En droit québécois – selon l’article 1387 du Code civil –, le contrat est formé de deux éléments : une offre et une acceptation. L’acceptation est formée par le consentement libre et éclairé des deux parties à vouloir s’engager dans une relation réciproque, l’un devant payer et l’autre devant livrer le bien, le plus souvent.

Le consentement est donc une condition de formation du contrat, mais celle-ci pose problème une fois appliquée aux contrats de cyberconsommation. Au moment de conclure le contrat en ligne, le consentement se matérialise par le clic, signifiant « oui je le veux ».

Ce clic est requis à plusieurs étapes de la transaction : choisir le produit, accepter de passer la commande, payer et accepter les conditions de vente. En cliquant, le cyberconsommateur accepte les conditions générales de vente qui sont le contrat à proprement parler. Mais, trois constats s’imposent, à la lecture des contrats électroniques, même de grandes compagnies telles que Future Shop, Best Buy ou Bell :

  • Les contrats de cyberconsommation sont longs, lourds et peu adaptés au langage du consommateur. Aucune tentative de vulgarisation n’y est faite.
  • Le consommateur ne passe pas deux heures à lire le contrat, même si celui-ci crée des obligations à son endroit.
  • Le contrat regroupe un certain nombre de clauses dites abusives en droit. Toutefois, puisqu’il s’agit bien souvent d’un contrat d’adhésion – c’est-à-dire que le consommateur ne peut en négocier les termes – le consommateur n’a pas d’autre choix que de l’accepter ou de le refuser en totalité, même si le contrat viole la loi à son encontre.

De ces trois points soulevés, on peut se demander s’il y a véritablement consentement libre et éclairé de la part du consommateur, comme le requiert la loi. Le langage juridique approprié du contrat n’est pas adapté au consommateur, profane en la matière. Aucune tentative de simplification n’y étant faite, le consommateur ne peut tout simplement pas comprendre à quoi il s’engage. Ceci est lourd de conséquences juridiques, car en cas de litiges le contrat sera brandi comme étant la loi des parties.

Ce genre de situation est propre au commerce électronique, car internet permet de dématérialiser le contrat et d’aller au-delà des limites physiques du papier. Nous imaginerions mal un commerçant physique fournir au consommateur un contrat de plus de 100 pages pour un produit quelconque.

L’insertion des clauses abusives

Le commerçant sait que le consommateur n’a pas d’autre choix que d’accepter le contrat en sa totalité ou de le refuser. De cette position dominante, le commerçant peut en profiter pour y insérer des clauses qui créent un déséquilibre déraisonnable entre les obligations de l’un et de l’autre au détriment du consommateur.

C’est exactement le cas de l’affaire Dell survenue en 2007. Cette compagnie avait inséré dans le contrat électronique une clause d’arbitrage empêchant le consommateur de s’adresser aux tribunaux québécois, au profit d’un arbitrage se déroulant à l’étranger. Volontairement ou non, il est certain que ce genre de clause crée un déséquilibre entre les droits et obligations respectifs des deux parties. Si recours il y a, la clause d’arbitrage représente un obstacle de taille pour le consommateur, tant pour ce qui est du temps que de l’aspect financier. Alors que, normalement, le recours pourrait être porté devant la Cour des petites créances de son lieu de domicile.

La loi ne prend donc pas suffisamment en considération la particularité de l’électronique dans un contexte de commerce par rapport au papier et aux transactions physiques, les principes traditionnels s’appliquant tels quels aux technologies de l’information, sans adaptation particulière.

Dans l’attente d’une réaction gouvernementale ou législative, l’internaute a en ce moment peu de garanties ou protections juridiques. Il peut cependant s’adresser à l’Office de la protection du consommateur afin qu’il l’aide en cas de litige avec un commerçant. Le cyberconsommateur peut également dénoncer à l’Office une pratique commerciale illégale ou formuler une plainte contre un commerçant.