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Selon la professeure au Département de biologie de l’Université McGill et coauteure de la lettre, Catherine Potvin, l’un des défis des prochains mois sera de garder le débat sur le racisme systémique en vie. Crédit photo : Wikipedia Commons.

« Ce n’est pas chez nous ! C’est chez eux! »

En réaction à la mort de Joyce Echaquan, 473 universitaires ont cosigné une lettre adressée à François Legault pour lui demander de reconnaitre le racisme systémique vécu par les communautés autochtones du Québec. Cette demande ne trouve pas écho auprès du premier ministre.

« Les conditions qui ont mené à la mort de Joyce Echaquan sont inacceptables, et il est temps que ça change »,annonce la professeure au Département de biologie de l’Université McGill et coauteure de la lettre, Catherine Potvin.

Pour le professeur en droit à l’UdeM Jean Leclerc, qui a également participé à la rédaction de la lettre, il n’y a pas de honte à reconnaitre qu’un problème de racisme systémique existe au Québec.« Mais il y en a dans le fait de nier ce qui est évident », souligne-t-il.

Les deux universitaires ont décidé d’interpeller le gouvernement, par solidarité avec les communautés autochtones avec lesquelles ils collaborent depuis des décennies.

 Garder le débat en vie

Interpellé sur la lettre au cours d’une conférence de presse, M. Legault a refusé de commenter directement la question. Il a plutôt réitéré son souhait de se concentrer sur l’action plutôt que sur la sémantique.

Pour Mme Potvin, cette volonté du gouvernement de faire changer les mentalités est louable, mais en refusant de nommer le problème, le risque est, d’après elle, de ne pas prendre les actions adéquates. Selon la professeure, l’un des défis des prochains mois sera de garder le débat sur le racisme systémique en vie. « C’est pourquoi on vient de lancer une pétition à l’Assemblée nationale, pour forcer la lecture de la pétition [qui reprend l’argumentaire de la lettre, N.D.L.R.] à la chambre bleue et obliger le gouvernement à nous répondre », déclare-t-elle.

Faire une place aux autochtones au sein des institutions

Pour M. Leclerc, il est important de prendre du recul et de regarder le problème dans son ensemble.« Par exemple, à l’université, comment se fait-il que nous ayons aussi peu d’étudiants autochtones dans nos classes ? », s’interroge-t-il. Selon lui, une partie de la réponse réside dans le fait que très peu de membres des Premières Nations participent à la bonne marche des institutions québécoises.

Il donne en exemple le système de santé. « Le rapport Viens [voir encadré] l’a bien démontré : puisqu’ils n’ont pas confiance, les autochtones risquent d’aller à l’hôpital seulement quand la situation est critique, ce qui est souvent trop tard », explique-t-il. Le professeur rappelle que pour rétablir cette confiance, les membres des Premières Nations qui se rendent à l’hôpital doivent être pris en charge par des personnes qui connaissent leur réalité et dans lesquels ils pourront se reconnaitre.

Reconnaitre les Premières Nations comme des partenaires

« Nous avons dépossédé ces nations de leur territoire, donc ils n’ont plus de développement économique, ce qui plombe leur développement culturel et entraine une foule d’autres problèmes », déplore Mme Potvin. Elle ajoute que les communautés Cri, dont le territoire est reconnu par la convention de la Baie-James, connaissent beaucoup moins d’embuches dans leur développement social et économique que les communautés autochtones, qui voient leurs revendications territoriales ignorées par le gouvernement.

« Les Québécois sont trop frileux pour reconnaitre les territoires autochtones, et M. Legault refuse de signer la déclaration des Nations Unies sur les droits autochtones, de peur qu’ils bloquent des projets économiques », poursuit-elle. Pour la biologiste, les Premières Nations sont des partenaires à part entière et doivent être traités comme tels par le gouvernement du Québec. Selon elle, le risque de devoir revoir quelques projets de développement économique est un petit prix à payer pour retrouver un esprit de coopération et d’assistance mutuelle.

Elle rappelle que cet esprit prévalait lorsque les Premières Nations ont accueilli Samuel de Champlain et les premiers colons français sur leur territoire. « Au Québec, on est très attachés au territoire, précise-t-elle. On est fier de dire que c’est chez nous, mais ce n’est pas chez nous ! C’est chez eux ! »

ENCADRÉ : Le rapport Viens

Le 30 septembre 2019, la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec : écoute, réconciliation et progrès, présidée par Jacques Viens, a rendu public son rapport au gouvernement. Dans un appel à la réconciliation et à l’établissement d’un nouvel équilibre des forces, le rapport de la Commission avance 142 mesures, dont plusieurs découlant de constats communs à tous les services ayant fait l’objet de l’enquête. Les conclusions indiquent que les Premières Nations et les Inuits vivant au Québec subissent de la discrimination systémique.

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