Vente d’armes à l’Arabie Saoudite: Cas pratique pour les étudiants en droit

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Par Manuel Ausloos-Lalanda
mercredi 24 février 2016
Vente d'armes à l'Arabie Saoudite: Cas pratique pour les étudiants en droit
« Je crois que ça va beaucoup aider à leur formation. Et je crois qu'au-delà de cela, l'idée de mettre ses compétences au service d'une certaine idée du droit et de la justice va peut-être créer des vocations. » - Daniel Turp, professeur de droit international. Courtoisie ODB
« Je crois que ça va beaucoup aider à leur formation. Et je crois qu'au-delà de cela, l'idée de mettre ses compétences au service d'une certaine idée du droit et de la justice va peut-être créer des vocations. » - Daniel Turp, professeur de droit international. Courtoisie ODB
À l’origine d’un projet de recours pour empêcher la vente à l’Arabie saoudite de véhicules blindés canadiens, le professeur de droit international à l’UdeM Daniel Turp a proposé à ses étudiants de s’impliquer dans sa démarche. Pour eux, c’est l’occasion d’appliquer les notions apprises en cours et de les mettre au service des droits de l’homme.
« On a l’occasion d’apprendre comment mettre en pratique la théorie qu’on voit en cours. »
 Daiana Crisan - Étudiante au baccalauréat en droit

«Il y a des gouvernements qui croient que les bénéfices économiques de ventes, même de produits militaires, l’emportent sur le respect des droits fondamentaux, soutient M. Turp. C’est la raison pour laquelle les étudiants de l’UdeM et moi-même sommes indignés et que nous voulons agir. » Après avoir appris que le gouvernement Trudeau entendait maintenir le contrat (voir encadré), M. Turp a évoqué la question avec ses étudiants, dans son cours de droit international. « Là, j’ai vu les yeux des étudiants s’allumer, se souvient-il, des étudiants qui étaient eux aussi indignés et qui voulaient passer à l’action. »

Rapidement, un groupe s’est formé pour mettre au point un recours. « Une douzaine d’étudiants de ma classe sont venus me voir et depuis ils sont de plus en plus nombreux, note M. Turp. On est une trentaine maintenant. » En plus d’étudiants de premier et deuxième cycles en droit et en études internationales à l’UdeM, des étudiants en droit à l’Université McGill et à l’Université d’Ottawa ont rallié la cause.

Exercice formateur

Selon l’étudiant au baccalauréat en droit Jérôme Tremblay, ce type de démarche permet de faire ses premiers pas dans l’application du droit, accompagné d’un guide expérimenté. « On a vu la théorie, mais on est moins familiers avec la pratique, donc en ce qui concerne la procédure, M. Turp nous aide vraiment, avance-t-il. La cour fait peur à beaucoup de monde, mais il nous met tout de suite à l’aise. »

Pour l’étudiante au baccalauréat en droit Daiana Crisan, c’est l’aspect formateur de la démarche qui a d’abord éveillé son intérêt. « On a l’occasion d’apprendre comment mettre en pratique la théorie qu’on voit en cours et c’est vraiment cette mise en application qui m’a attirée, parce qu’on n’a pas la chance d’en faire beaucoup durant le baccalauréat », estime-t-elle.

Tous les jeudis avant leur cours, M. Turp et ses étudiants se réunissent pour faire le point. Cinq groupes d’étudiants sont chargés de rassembler des informations sur le contrat et de passer au peigne fin les lois canadiennes et les engagements internationaux du pays pour les invoquer en cour. « C’est l’occasion de démontrer aux étudiants que le droit international a une pertinence et que, quand on est juriste, on peut avoir des convictions profondes et les mettre au profit de la société. », explique M. Turp.

L’exercice suscite en plus l’enthousiasme des étudiants, car c’est une cause à laquelle ils se sont attachés, pense Jérôme. « Ça nous motive, parce qu’il n’y a pas une personne dans le groupe qui est en accord avec le fait de vendre des armes à un pays qui viole outrageusement les droits de l’homme », soutient l’étudiant.

Ce n’est pas la première fois qu’un professeur d’université et ses étudiants se lancent dans des recours légaux contre le gouvernement, mais la pratique reste rare au Canada. « Le doyen de ma faculté, M. Gaudreault-DesBiens, m’a dit qu’il trouvait que c’était une bonne idée, raconte M. Turp. On pourrait avoir une clinique juridique à la Faculté de droit, pour entreprendre des actions de ce type dans plusieurs domaines, comme cela se fait aux États-Unis. »

M. Turp et ses étudiants ont fait parvenir le 18 février une mise en demeure au ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion, exigeant qu’il s’engage à ne pas délivrer de licence d’exportation à General Dynamics. Sans une réponse satisfaisante d’ici 14 jours, le groupe déposera un recours devant la Cour fédérale du Canada.

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