Quartier Libre (Q. L.) : Quels souvenirs gardez-vous de votre passage à l’Université de Montréal ?
Jean-Philippe Sylvestre (J.-P. S.) : J’en garde de beaux souvenirs ! J’ai fait des rencontres extraordinaires, que ce soient des amis ou des professeurs. Ma relation avec l’Université de Montréal a débuté très tôt : lorsque j’ai commencé le piano à l’âge de quatre ans, je savais déjà que je voulais devenir un soliste à l’international. À six ans, ma professeure m’amenait donc à l’Université de Montréal pour voir plusieurs autres grands maîtres et m’aider à me former plus rapidement.
Lorsque j’y suis retourné quelques années plus tard, pour y étudier cette fois, l’Université m’a surtout servi de lieu de travail ; il s’agissait d’un endroit où je pouvais me concentrer pour pratiquer. J’aimais également la situation géographique de l’établissement, en retrait derrière la montagne et proche de Vincent-d’Indy, ma première école de musique.
Q. L. : Quelles sont les rencontres qui vous ont marqué durant votre parcours universitaire ?
J.-P. S. : Ma rencontre avec Luce Beaudet, qui enseigne toujours à l’Université de Montréal, demeure la plus importante pour moi. C’est l’une des meilleures professeures que j’ai rencontrées. Je me sers encore régulière-ment des structures qu’elle enseignait dans son cours Analyse du discours harmonique tonal, dont la réputation n’est plus à faire ! L’analyse des œuvres est indispensable à mon travail d’interprète. Au-delà des études, Luce Beaudet compte maintenant parmi mes amis proches, comme quelques autres personnes que j’ai eu la chance de rencontrer à la Faculté de musique. Ce sont donc des rencontres extrêmement précieuses.
«L’Université m’a ouvert une porte pour parler à autrui et pour créer des relations professionnelles qui me sont encore utiles dans ma carrière à ce jour»
Jean-Philippe Sylvestre, pianiste
Q. L. : Comment votre formation à l’Université de Montréal vous a-t-elle préparé pour la suite de votre carrière ?
J.-P. S. : En plus des cours théoriques qui ont orienté ma pratique, comme celui de Luce Beaudet, l’Université de Montréal m’a aussi inculqué une éthique de travail essentielle. Comme interprète, je dois souvent travailler
par moi-même, seul à la maison. L’Université m’a donc ouvert une porte pour parler à autrui et pour créer des relations professionnelles qui me sont encore utiles dans ma carrière à ce jour.
Q. L. : Comment vous sentez-vous lorsque vous revenez jouer sur les scènes du Québec ?
J.-P. S. : C’est magnifique, car je sens que je suis allé puiser plein d’énergie et d’inspiration à travers le monde. Je sens que j’ai encore plus à offrir à mon public québécois, donc c’est un réel plaisir de revenir à chaque fois !
Q. L. : Vous avez interprété des pièces du compositeur québécois André Mathieu à plusieurs reprises sur les scènes internationales. Comment le répertoire québécois est-il reçu par le public étranger ?
J.-P. S. : Ça marche tellement, c’est incroyable ! J’ai souvent joué du répertoire québécois en France, comme je le ferai à nouveau le 29 janvier prochain. Les Français sont en amour avec André Mathieu, dont la musique romantique est agréable à l’oreille et tout simplement belle, selon moi. C’est difficile de ne pas aimer ses compositions ; elles vont droit au cœur ! J’interprète la version solo et sans orchestre du Concerto de Québec d’André Mathieu régulièrement, et c’est un véritable succès à chaque fois. C’est le cas en France, mais aussi en Australie, en Allemagne et au Brésil, par exemple. C’est une pièce qui touche vraiment les gens.
C’est donc absolument dans mes objectifs de faire connaître la musique du Québec et du Canada à l’international. J’ai commencé avec André Mathieu et je poursuis, entre autres, avec une œuvre de mon très cher ami, le compositeur canadien Airat Ichmouratov. J’ai dernièrement interprété une œuvre qu’il m’a dédiée et que j’ai en partie écrite avec lui. Le disque de l’enregistrement de la pièce, réalisé avec l’Orchestre symphonique de Londres, sortira en 2023 sous la maison de disques Chandos. J’ai également enregistré du répertoire de Jacques Hétu à la Maison symphonique de Montréal en 2020, un grand compositeur canadien dont j’apprécie beaucoup la musique.
Q. L. : Quels projets vous attendent prochainement ?
J.-P. S. : Je jouerai en solo sur la scène de la Maison symphonique de Montréal le 22 octobre prochain, puis sur celle du Palais Montcalm, à Québec, le 11 novembre. Entre ces deux concerts, je jouerai également dans des maisons pour personnes âgées, ce que je fais depuis longtemps ! J’ai été initié à ce type de prestation lorsque j’avais huit ou neuf ans. Les personnes âgées n’étant pas aussi mobiles que nous, il est plus difficile pour elles de se déplacer à la Maison symphonique, par exemple. Je vais donc à elles et c’est toujours une belle expérience.
Plus tard dans l’année, j’irai également jouer à Londres, en Espagne et à Paris. Je souhaite explorer la voie de la composition. Mes projets sont donc nombreux. Je veux absolument continuer de faire ce que je fais. Je me sens vraiment à ma place, je suis très fier d’offrir ce que je pense avoir à offrir aux gens ! Je souhaite continuer à jouer avec de grands orchestres dans de grandes salles. Je ne suis qu’au début de mon exploration!
Puisqu’il est doté de l’oreille absolue, cette capacité d’associer instantanément un son à une note, Jean-Philippe Sylvestre a attiré l’attention de la chercheuse en neurosciences Isabelle Peretz. Celle qui a fondé le BRAMS, un laboratoire de recherche sur la relation entre le cerveau et la musique établi à l’Université de Montréal, s’est intéressée au cerveau des personnes ayant l’oreille absolue dans certaines de ses études. Sa collaboration avec Jean-Philippe Sylvestre a d’ailleurs figuré dans le documentaire Dans la tête d’un virtuose, réalisé par Marie Prudhomme en 2014. |