«Nous votons stratégiquement quand nous estimons que notre premier choix n’a aucune chance de l’emporter dans la circonscription, explique le candidat au doctorat en science politique à l’UdeM et membre de la chaire de recherche du Canada en études électorales Jean-François Daoust. Dans ce cas, nous votons pour notre deuxième choix, celui ayant le plus de chances de bloquer le candidat que nous choisirions en dernier. »
Pour comprendre le sujet, voici un exemple fictif. Quatre partis sont en lice au Canada : le Parti prune, le Parti cerise, le Parti pêche et le Parti kiwi. Le premier et dernier choix d’un électeur X pourraient être, par exemple, le Parti kiwi et le Parti prune, respectivement. Si l’électeur juge que le candidat du premier parti (kiwi) a une chance de l’emporter, il votera normalement pour lui. Sinon, il risque de voter stratégiquement (cerise ou pêche).
« Pour qu’un électeur soit concerné par le vote stratégique, il faut que son premier choix n’ait pas de chance de l’emporter, mais également que la course entre les deux principaux candidats soit serrée », précise Jean-François. Admettons que le candidat du Parti kiwi n’est pas vraiment dans la course dans la circonscription de l’électeur X. Ce dernier votera alors pour le candidat ayant une chance de battre celui du Parti prune, si la course est serrée.
« Le vote stratégique, c’est mettre de côté ses idéaux personnels et voter pour permettre l’élection d’un gouvernement “moins pire” qu’un autre », constate l’étudiant au baccalauréat en science politique et économie à l’UdeM Antoine Thibault-Lepage.
Un phénomène marginal
Telle est la théorie derrière le vote stratégique. En pratique, le phénomène reste pourtant secondaire : 8,4 % des électeurs ont choisi de voter stratégiquement aux dernières élections provinciales selon les données de Jean-François*, même parmi les étudiants. « Je n’ai jamais voté de façon stratégique, indique l’étudiant au baccalauréat en relations industrielles Pierre-Jean Pomerleau. Toutefois, je considère l’option plus pertinente dans le cadre de cette élection, car c’est la première fois qu’on a une vraie course à trois au niveau fédéral. » D’un scrutin à l’autre, la proportion d’électeurs choisissant le vote stratégique ne fluctuerait pas significativement non plus.
« Confrontés à un enjeu polarisant, les électeurs votent souvent stratégiquement pour se positionner, note M. Daoust. C’était le cas lors de l’élection fédérale de 1988 sur l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis (ALE) et ça pourrait l’être lors de celle-ci, avec le niqab », poursuit-il.
La recherche sur le vote stratégique à une élection provinciale de Jean-François est la première du genre au Canada. Selon lui, il s’agit pourtant d’un cas intéressant, car le Québec est la seule province avec une vraie « dynamique partisane double (fédéraliste/souverainiste et gauche/droite) ».
* Estimation calculée à partir d’un sondage Internet comptant 1 000 votants