Le recteur de l’UdeM, Daniel Jutras, a accordé une longue entrevue à Quartier Libre le 9 mai dernier. Il est revenu sur plusieurs enjeux qui touchent l’établissement et ses étudiant·e·s.
Selon son budget, l’UdeM se dirige vers un déficit en 2024-2025. Une hausse des frais de scolarité est-elle envisagée pour renflouer les caisses ? Tour d’horizon des sources principales de financement de l’établissement.
Grosse primeur : ça prend de l’argent pour gérer une université. Dans le cas de l’UdeM, le budget s’élève à un milliard de dollars par année. M. Jutras évoque l’image d’un pot à remplir pour pouvoir offrir « un programme de formation conséquent, adéquat et pertinent ». Trois sources de deniers permettent de remplir ce pot : la philanthropie, les frais de scolarité et les transferts gouvernementaux.
Du côté de la philanthropie, les choses vont rondement. La campagne actuelle, « L’heure est brave », avait permis d’amasser plus de 630 millions de dollars au 9 mai dernier. Le recteur mentionne d’ailleurs cette campagne, qui a atteint « un bon rythme de croisière », comme étant l’une de ses plus grandes fiertés depuis son entrée en poste. Si le rythme actuel se maintient, l’UdeM devrait atteindre son objectif d’un milliard de dollars d’ici quelques années.
Toutefois, l’établissement peut seulement dépenser environ 65 millions de dollars de cette cagnotte chaque année. Cette somme aide notamment à couvrir les frais de divers fonds de recherche ou de bourses. Elle aide, donc, mais ne représente qu’un petit pourcentage du budget.
Pas de Printemps érable 2.0 en vue
Viennent ensuite les frais de scolarité. M. Jutras est catégorique : pas question d’augmenter les frais des étudiant·e·s québécois·es pour le moment. « Je pense que c’est un sujet qu’on a tranché en 2012, déclare-t-il. Au Québec, le choix social de garder les frais de scolarité au minimum a été fait et je ne le remets pas en question. »
Le portrait est plus nuancé en ce qui concerne les étudiant·e·s étranger·ère·s. Les deux paliers de gouvernement ont annoncé au cours de la dernière année des mesures les touchant directement.
La hausse des frais de scolarité pour les étudiant·e·s non québécois·es, annoncée par le gouvernement Legault en octobre 2023, devait ainsi rediriger des montants que perçoivent des universités anglophones vers les universités francophones. En théorie, cette mesure devait profiter à l’UdeM. Elle n’a cependant pas eu l’effet escompté, puisqu’une exemption a été accordée à l’Université Bishop’s et que les inscriptions à Concordia et à McGill ont diminué, rendant négligeables les gains faits par les universités francophones de la province.
Bien que l’UdeM soit également touchée par le plafonnement des visas que le gouvernement fédéral accorde aux étudiant·e·s internationaux·ales, cette mesure n’atteint pas forcément l’établissement sur le plan financier. S’il est vrai que ces étudiant·e·s déboursent des frais beaucoup plus élevés que leurs camarades locaux, ils « ne sont pas une vache à lait », selon le recteur. Des exemptions ou des bourses permettent en outre à une grande partie des étudiant·e·s d’autres nationalités d’éviter de payer les frais internationaux.
M. Jutras s’inquiète plutôt de l’effet de cette mesure sur la réputation de la ville. « Ces messages nuisent à la réputation de Montréal, estime-t-il. Ils ralentissent notre capacité d’attirer les meilleurs cerveaux ici et de créer des réseaux. »
Le ministère de l’Enseignement supérieur
À qui revient donc la tâche de remplir le pot ? Au gouvernement provincial, qui finance déjà les activités des universités québécoises à hauteur de 70 %. Ce pourcentage serait autour de 25 % dans les universités du Canada hors Québec, selon les chiffres fournis par M. Jutras.
« Le gouvernement n’a pas suivi le rythme, il doit en mettre plus. »
Le recteur de l’UdeM, Daniel Jutras
L’importance de la contribution gouvernementale est une conséquence du « choix de société » par la population québécoise de maintenir les frais de scolarité à un niveau abordable. Mais, selon le recteur, ce taux devrait être encore plus élevé que 70 %. « Le gouvernement n’a pas suivi le rythme, il doit en mettre plus, soulève M. Jutras. Les études que nous avons faites suggèrent qu’il y a un manque à gagner de plus d’un milliard de dollars par année dans le budget de l’enseignement supérieur universitaire. »
Quartier Libre a demandé par courriel au ministère de l’Enseignement supérieur s’il comptait augmenter le financement des universités. L’équipe des relations médias n’avait pas répondu à la demande au moment de publier le présent article.
Désinvestissements
Se désinvestir de certains secteurs porte également atteinte à la cagnotte de l’établissement. À l’heure actuelle, l’attention est surtout portée sur les liens qu’entretiennent les universités et l’État israélien.
Au cours des dernières années, toute l’attention s’est portée sur les énergies fossiles. L’UdeM est en voie de supprimer ce secteur d’activité de ses investissements d’ici 2025, en réaction au « très large consensus scientifique et social ». Objectif louable, diront certain·e·s, mais qui prive le fonds de dotation des rendements importants du secteur énergétique depuis le rebond postpandémique. À l’image des frais de scolarité, ce désinvestissement est en réaction à un choix social assez unanime, mais qui n’aide pas l’Université à renflouer ses caisses.
Si le gouvernement ne répond pas à l’appel, l’UdeM devra faire preuve de créativité pour trouver de nouvelles sources de revenus prochainement.