Briser la loi du silence

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Par Marianne Castelan
vendredi 12 octobre 2018
Briser la loi du silence
Le secrétaire général de la FAÉCUM, Matis Allali annonce d'autres actions à venir. Crédit photo : Courtoisie FAÉCUM
Le secrétaire général de la FAÉCUM, Matis Allali annonce d'autres actions à venir. Crédit photo : Courtoisie FAÉCUM
Cette semaine, la FAÉCUM a dévoilé sa nouvelle campagne «OmertàUdeM», dénonçant une inertie de l’administration de l’Université et du Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal (SGPUM) sur la question de la gestion des plaintes pour violences à caractère sexuel.

Près d’une année après leur campagne #Moiaussi et dans la lignée de l’adoption de la loi 151, qui oblige les établissements d’enseignement supérieur à se doter d’une politique de prévention des violences à caractère sexuel avant janvier 2019, les membres de la FAÉCUM réclament un processus disciplinaire transparent pour ce type de violences.

Le secrétaire général de l’association étudiante, Matis Allali, souligne que les objectifs de cette campagne se dérouleront en deux temps. « L’objectif final, c’est d’avoir un comité de discipline qui soit juste, équitable, transparent, et surtout dans lequel les étudiants peuvent avoir confiance, explique-t-il. Il faut briser la loi du silence qu’il y a sur le campus. »

La manière dont la Fédération compte y parvenir constitue son objectif à plus court terme. « Il faudrait que l’administration de l’UdeM et le SGPUM s’assoient pour parler du règlement disciplinaire, en faisant abstraction des divergences et en ne parlant pas de convention collective », insiste Matis.

Un état des lieux

Actuellement, comme le décrit la FAÉCUM dans son communiqué publié sur les médias sociaux, lorsqu’un professeur est impliqué dans une procédure disciplinaire à la suite de la plainte d’un étudiant ou d’une étudiante, il passe devant un comité disciplinaire composé uniquement d’autres professeurs.

Matis explique que le danger est de voir le nouveau règlement entravé, ou du moins limité par un système disciplinaire qui resterait inchangé. « Le règlement pourra être aussi bon que possible, mais s’il réfère au processus disciplinaire actuel, les étudiants vont continuer à ne pas porter plainte parce que ce système est injuste, déplore-t-il. Ce sont des profs qui jugent des profs. »

Le secrétaire général insiste sur le fait qu’il s’agit d’une réalité dont la Fédération est témoin au quotidien. « De façon assez fréquente, des étudiantes et des étudiants viennent nous voir au bureau pour qu’on leur explique les procédures pour porter plainte, dévoile Matis. Quand on leur explique qu’ils vont devoir passer devant un comité composé uniquement de professeurs, ils nous disent souvent qu’ils ne vont finalement pas porter plainte et passer à autre chose. »

L’Université en accord

« On ne peut qu’être d’accord avec les demandes des étudiants, affirme la porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara. Ils ont raison de vouloir un processus juste et équitable en matière de discipline et c’est ce que nous voulons aussi. » Cette dernière souligne que la Charte de l’Université a justement été modifiée pour pouvoir mettre en place ce nouveau processus disciplinaire. 

Mme O’Meara ajoute que l’UdeM a, à maintes reprises et depuis plusieurs mois, invité le syndicat des professeurs à s’asseoir pour discuter et arriver à une entente sur la question. « Le syndicat n’en démord pas et fait du processus disciplinaire un enjeu de négociations en lien avec sa nouvelle convention collective, indique la porte-parole. Le syndicat a même recouru au Tribunal administratif du travail pour bloquer les discussions à ce sujet au sein de toutes les instances universitaires. »

Tirs croisés

 « S’il y en a un qui ne s’est pas traîné les pieds, c’est bien le syndicat des professeurs ! s’exclame de son côté le président du SGPUM, Jean Portugais. On est sur le dossier depuis plus d’un an. On était même partenaires avec la FAÉCUM en avril 2017 pour réclamer que l’Université bouge sur le dossier des violences à caractère sexuel. »

Pour M. Portugais, le blâme du retard dans la modification du processus disciplinaire est à attribuer à l’Université plutôt qu’au SGPUM. « La loi a été votée en décembre 2017, informe-t-il. L’UdeM n’a rien fait depuis, et là ils viennent d’annoncer deux dates de deux heures d’audience en octobre et novembre pour entendre toute la communauté. Ça donne l’impression d’un travail bâclé, rapide et peu respectueux de la communauté. »

Quant aux invitations à la discussion évoquées par Mme O’Meara, le président du syndicat les réfute catégoriquement. « Je n’ai reçu aucune invitation à modifier le processus disciplinaire sur les violences à caractère sexuel », assure-t-il. M. Portugais souligne que la gestion de ce type de violences relève d’une dimension sociétale et devrait donc être résolue en partenariat entre tous les membres de la communauté, dont le syndicat des professeurs. « On veut faire partie de la solution », insiste-t-il.

M. Portugais assure que les procédés disciplinaires concernant les violences à caractère sexuel n’impliqueront pas un comité composé uniquement de professeurs. « On est d’accord avec les étudiants sur la nécessité de modifier le processus, informe-t-il. Par contre, on n’est peut-être pas d’accord sur la méthode à utiliser pour le faire. »

Des consultations concernant la nouvelle réglementation auront lieu les 17 et 29 octobre prochains. L’Université y a convié les différents acteurs de la communauté.