Bras de fer entre l’UdeM et des regroupements étudiants

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Par Mohammed Aziz Mestiri
jeudi 11 avril 2024
Bras de fer entre l’UdeM et des regroupements étudiants
En 2022, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a exigé que l’adhésion aux assurances étudiantes cesse d’être automatique, ce qui a entraîné une levée de boucliers des associations étudiantes du Québec. Elle est finalement revenue sur sa décision. Illustration: Emily Junca
En 2022, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a exigé que l’adhésion aux assurances étudiantes cesse d’être automatique, ce qui a entraîné une levée de boucliers des associations étudiantes du Québec. Elle est finalement revenue sur sa décision. Illustration: Emily Junca
L’UdeM estime nécessaire d’obtenir le consentement explicite d’un·e étudiant·e avant de procéder à l’envoi de ses renseignements personnels à une tierce partie. Des associations étudiantes y voient toutefois une menace à leur régime d’assurance étudiante, car la facturation ne se ferait plus de manière automatique.
« L’Université de Montréal ne désire pas mettre fin au régime d’assurance, mais elle veut absolument la seule formule de consentement qui peut mettre fin au régime d’assurance. »
Alecsandre Sauvé Lacoursière - Secrétaire général de la FAÉCUM

Depuis l’automne dernier, la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM) et l’Association générale des étudiants et étudiantes de la Faculté de l’éducation permanente (AGÉÉFEP) tentent de convenir avec l’UdeM d’une entente relative au rôle administratif de l’Université dans la gestion des adhésions et des désistements au régime d’assurance collective. Jusqu’à présent, c’est l’Université qui facture la cotisation au régime d’assurance auprès des étudiant·e·s qui maintiennent leur adhésion.

Les discussions sont dans une impasse. « L’UdeM ne veut plus collaborer à l’offre d’assurances collectives étudiantes! », mentionne un pamphlet distribué par des manifestant·e·s à l’entrée de la dernière Assemblée universitaire, tenue en mars dernier. La manifestation était le fruit d’une action conjointe de la FAÉCUM et de l’AGÉÉFEP.

Des représentants de chacun des deux regroupements ont questionné le secrétaire général de l’UdeM, Alexandre Chabot, pendant la réunion. « Nos obligations sont d’obtenir le consentement des étudiants avant de transmettre à un tiers des renseignements personnels », a-t-il répondu. Il a maintenu que l’intention est de « trouver une voie de passage » qui respecte les obligations de l’Université, tout en offrant le régime d’assurance le plus économique possible.

« On veut que le Secrétariat général revienne à la table des négociations de bonne foi, avec des propositions plus raisonnables, soutient le président de l’AGÉÉFEP, Enrique Colindres. À ce stade, il n’y a pas matière à discussion. »

Dans le cadre des négociations avec la FAÉCUM et l’AGÉÉFEP, la plus récente proposition de l’UdeM est l’adoption d’une nouvelle formule qui requiert le consentement explicite des étudiant·e·s avant la transmission de leurs renseignements à un tiers.

Enrique souligne toutefois qu’un tel protocole « s’attaque d’une façon implicite » au régime étudiant, et que la démarche de l’Université « va trop loin et n’est pas nécessaire ».

Son homologue à la tête de la FAÉCUM, Alecsandre Sauvé Lacoursière, affirme même qu’advenant une telle mesure, « le régime collectif deviendrait un régime individuel, et pourrait potentiellement mourir dès septembre. »

Une loi exigeante

« Il n’est absolument pas prévu de mettre fin au programme d’assurances, insiste par voie de courriel la porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara. Des milliers d’étudiantes et d’étudiants s’en prévalent chaque année et nous voulons trouver une entente qui respectera, entre autres, la nouvelle Loi 25 sur la protection des renseignements personnels. »

Cette législation provinciale fixe de nouvelles exigences quant à la protection et la gestion des renseignements personnels dans le domaine numérique. Son application se fait de manière graduelle, depuis son adoption en 2021, jusqu’en septembre 2024.

La Loi 25 s’inspire d’une loi européenne en la matière. La loi est si complexe que même le gouvernement du Québec la respecte mal. Selon l’article du journaliste Alain McKenna du Devoir, publié le 26 septembre dernier, le site web de l’Assemblée nationale n’est pas pleinement conforme.

Les dispositions les plus importantes de la Loi sont justement entrées en vigueur à l’automne dernier. Le système Synchro, utilisé pour accéder au Centre étudiant, en est le reflet.

Depuis le 27 septembre dernier, la page d’accueil dispose en effet d’une vignette intitulée « Consentement étudiant », qui s’agrémente de boutons à bascule afin d’autoriser ou non l’UdeM à communiquer des renseignements personnels à des associations reconnues et à les utiliser à des fins philanthropiques.

La page mentionne aussi le cœur des discussions entre l’UdeM et les regroupements étudiants: à moins de refuser l’offre du régime d’assurance collective, les renseignements personnels énumérés seront transmis à l’Alliance pour la santé étudiante du Québec (ASÉQ), le courtier de l’assurance. Un dernier bouton à bascule se trouve sous la mention « J’ai lu et je comprends (obligatoire) », mais celui-ci était grisé et inactif au moment de la rédaction du présent article.

D’autres solutions?

« L’Université de Montréal ne désire pas mettre fin au régime d’assurance, mais elle veut absolument la seule formule de consentement qui peut mettre fin au régime d’assurance », reproche Alecsandre.

Les deux regroupements étudiants s’inquiètent ainsi du fait qu’en posant une question dont la réponse se résume à «  oui  » ou «  non  » pour obtenir un consentement exprès pour la transmission des renseignements personnels, l’adhésion au régime cesse d’être automatique ou «  opt-out  ».

Selon ce principe, une personne aux études reçoit la couverture de l’assurance et la paie par l’intermédiaire de sa facture scolaire. Elle peut s’en désinscrire auprès de l’ASÉQ si elle ne souhaite pas en profiter, à condition de le faire dans les délais prescrits.

Davantage de personnes contribuent financièrement à la cagnotte du régime lorsqu’elles adhèrent par défaut et se désistent ultérieurement pour éviter le paiement. Si le système automatique permet de réduire avantageusement les frais d’adhésion de la couverture étudiante, il fait aussi l’objet de critiques.

« Le bureau de l’ombudsman reçoit chaque année de nombreuses plaintes en regard de la communication faite autour du programme, précise Mme O’Meara. Nous avons reçu des recommandations en ce sens dans la foulée [de son] dernier rapport annuel et nous souhaitons nous y conformer. »

Dans sa réponse aux regroupements étudiants, M.Chabot a également cité le rapport de l’ombudsman, indiquant que celui-ci relève « des enjeux quant au mécanisme de désistement du régime d’assurance étudiant », et que le respect des recommandations du bureau fait partie de ses objectifs dans les négociations avec la FAÉCUM et l’AGÉÉFEP.

« Il y a plusieurs erreurs dans le rapport de l’ombudsman, notamment sur la question des communications, a souligné Alecsandre au cours de l’Assemblée universitaire. L’ombudsman s’était déjà engagé à corriger son rapport dès l’an prochain. »

M.Chabot a rétorqué que, selon ses informations, l’ombudsman ne changera pas ses recommandations.

Le rapport révèle que plusieurs membres de la communauté udemienne « expliquent avoir découvert, après la période de désistement, que leur association étudiante a souscrit, en leur nom, sans leur consentement et sans les informer, à un contrat d’assurance auprès de l’ASÉQ ».

Il ajoute que le bureau de l’ombudsman « a souvent hésité à intervenir dans ce type de dossier », dans la mesure où l’adhésion automatique est une décision des associations étudiantes, mais « qu’une certaine part de responsabilité » incombe à l’UdeM, pour ce qui est « d’informer adéquatement » la population étudiante quant à l’adhésion automatique et au processus de désistement.

Le document insiste aussi sur l’aspect primordial « de se questionner quant au consentement des étudiantes et des étudiants qui doit être manifeste, libre et éclairé et donné à des fins spécifiques. »

Alecsandre et Enrique estiment que le consentement exprès n’est pas l’unique solution aux exigences réglementaires en matière de protection des renseignements personnels. Le secrétaire général de la FAÉCUM mentionne notamment le cas de Polytechnique Montréal, où sera adoptée une formule de consentement tacite en la matière.

L’UdeM a fait une nouvelle proposition aux associations étudiantes le 3 avril. Elle « s’inspire de ce qui est déjà en place au sein d’une autre université québécoise et qui pourrait être appliqué à l’UdeM », décrit Mme O’Meara dans un nouveau courriel.

Elle y réitère que l’UdeM n’a « absolument pas l’intention de priver les étudiants et les étudiantes qui le désirent de bénéficier d’un régime d’assurances », et indique que l’objectif des discussions « est de trouver un terrain d’entente qui répond à la loi 25, qui respecte la loi sur l’accréditation et le financement des associations étudiantes et qui suit les recommandations du dernier rapport du bureau de l’ombudsman de l’UdeM. »

La proposition respecterait le mode d’adhésion automatique volontaire, mais toucherait plutôt la manière avec laquelle sont communiqués les renseignements personnels à l’ASEQ, ce qui respecterait la Loi 25.

La porte-parole de l’UdeM n’a pas souhaité donner plus de détails, citant que les negociations sont encore en cours. « Nous espérons arriver à une entente avec les associations dans les meilleurs délais, termine-t-elle. [N] ous attendons de leurs nouvelles à la suite de notre proposition. »

La FAÉCUM et de l’AGÉÉFEP indiquent évaluer la plus récente proposition de l’Université, sans commentaires additionnels.

*De nouvelles informations ont été ajoutées à cette version de l’article. La version que l’on retrouve dans le numéro du 10 avril ainsi qu’une première version numérique n’indiquait pas que l’Université de Montréal a soumis une nouvelle proposition aux associations étudiantes le 3 avril.