C’est ce que je gagnais quand j’enseignais le badminton à des jeunes du lycée français d’Oslo. Sans ancienneté et sans diplôme en la matière ; pas mal pour un petit boulot étudiant ! Autant dire qu’après un an en terres scandinaves, mon compte en banque était aussi solide que du geitost, le fromage national norvégien.
Cette année encore, la Norvège conserve sa place de numéro un dans le classement annuel du développement humain publié au début du mois par les Nations unies (le Canada dégringole de la 4e à la 8e position). Elle est aussi au top du palmarès des pays les plus prospères au monde, selon l’étude récente du Legatum Institute. Pourtant, pas de traces outrageuses de richesse dans ce pays. Pas de délires architecturaux grotesques comme à Dubaï, pas de magasins Vuitton et Chanel à tous les coins de rue comme à Singapour, pas de bling bling romantique comme à Paris. La Karl Johans Gate, «les Champs-Élysées d’Oslo», ressemble à la rue Prince-Arthur à Montréal, en plus longue. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, voyez-vous.
Ce petit royaume, devenu un eldorado grâce au pétrole et au gaz, a su rester humble face à cette richesse soudaine. Le pays croule sous les pétrodollars ? Seuls 4% sont injectés dans le budget de l’État, le reste est sagement gardé dans un fond gouvernemental pour prévenir l’après-pétrole. Un de mes professeurs de sciences politiques de l’Université d’Oslo me disait avec philosophie : «Nous n’oublions pas que nous avons été pauvres. Ces revenus ne nous appartiennent pas, nous en sommes les gardiens pour les générations futures.»
Les Norvégiens ne sont pas show-off. Le luxe, pour eux, c’est de passer la fin de semaine dans un chalet en bois et faire du ski de fond dans un paysage bucolique. Une vie simple et proche de la nature. Une vie égalitaire aussi, où il n’y a pas grand écart entre les salaires, et où personne n’est très riche ou très pauvre. Gare aux privilèges ! Le mois passé, un débat sur les cadeaux donnés aux membres du parlement a fait baisser la limite de 200 couronnes norvégiennes (soit une bonne bouteille) à zéro. Plus rien, nada. L’an dernier, la juge franco-norvégienne Eva Joly (pressentie candidate du parti Vert à la prochaine élection présidentielle française) a pris le taxi depuis l’aéroport d’Oslo pour se rendre au centre-ville. Ni une, ni deux, les quotidiens locaux lui ont reproché de ne pas avoir utilisé les transports en commun.
Mais voilà, depuis quelques années, la droite populiste, qui veut piocher dans la manne pétrolière pour réduire les impôts et augmenter les infrastructures du pays, séduit de plus en plus d’électeurs. Ce trop plein de billets verts est-il en train de fissurer la sacrosainte cohésion sociale et de transformer d’humbles Norvégiens en vénaux profiteurs ?
«Problèmes de riches», vous dites-vous, mifigue mi-raisin. Vous pensez que votre problème, c’est justement de ne pas être riche. Et vous le serez peut-être encore moins à l’issue de cette « drôle de guerre» sur les droits de scolarité, où chaque camp prend ses positions sans que rien de concret ne se passe (p. 5). Quartier Libre n’aime pas les frustrations estudiantines, aussi notre journaliste Ariane Lelarge Emiroglou vous livre les astuces pour vivre comme un riche à Montréal avec un budget serré (p. 13) ou pour voyager en Europe sans le sou (p. 17). Clémentine Roussel a quant à elle trouvé des réponses à la question à 100000 $: comment devenir riche ? Faire les bonnes études, lancer sa propre entreprise, devenir sportif de haut niveau, millionnaire ou paparazzi, choisissez votre option (p. 15)!
Et quand vous n’aurez plus rien à envier à Crésus, pourquoi ne pas faire un généreux don aux revues culturelles québécoises ? Notre enquête (p. 18 et 19) révèle qu’elles en auraient sacrément besoin ! À bas la créativité culturelle, pour survivre et toucher des subventions de la part de l’État, mieux vaut s’appeler Echos Vedettes ou 7 jours, et surtout, être rentable. «C’est le marché qui détermine dorénavant quelles revues doivent survivre », dira, un brin désabusé, André Racette de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois. Jeunes entrepreneurs, si vous voulez partir un fanzine et recevoir des aides gouvernementales, ne vous demandez pas ce que vous pouvez apporter à vos lecteurs, mais ce que vos lecteurs vous rapporteront. «Money money money, must be funny, in the rich man’s world », chantait le groupe scandinave Abba…