Imaginez pendant quelques secondes la vie universitaire en 2049.
Après avoir constaté le déclin de la qualité de l’écriture manuscrite de ses étudiants, l’Université de Cambridge introduit le débat sur l’adoption du « tout-numérique » dans les classes (voir ici). D’autres établissements leur emboîtent le pas et amorcent des réflexions en ce sens.
À l’aide des technologies de clonage, de l’intelligence artificielle et des données recueillies lors d’une campagne curieusement appelée « Le français, c’est dans l’ADN de l’UdeM » tenue à l’automne 2017, des biogénéticiens de la Faculté de médecine vétérinaire parviennent à créer des archétypes d’étudiants qui maîtrisent la langue et la calligraphie. Parce qu’ils savent reproduire à l’écrit de manière lisible les idées et les discours qu’on leur dicte, ces êtres sont baptisés « répliquants » par leurs créateurs.
Les scientifiques découvrent cependant que ces clones ont un avantage génétique certain sur les autres. Avec le français inscrit dans leur agencement d’adénine, de thymine, de guanine et de cytosine, les répliquants montrent des qualités supérieures dans les tests de compétences linguistiques. Ce sont d’abord les examens d’accréditation pour l’enseignement, dont le taux de passage du premier coup est de 61 % en 2017 (voir ici), puis tout simplement les admissions aux études universitaires.
Du côté des établissements ayant choisi le changement vers le « tout numérique », la décision est claire : il faut bannir les répliquants des universités.
L’élément déclencheur
Quelques années passent, les clones androïdes adeptes du français ne sont que des souvenirs du passé pour les universités qui ont adapté leur mode d’enseignement afin d’éviter toute forme de discrimination sur les capacités langagières et sur l’écriture manuscrite. Puis, le choc. Un graffiti est trouvé sur le mur des toilettes de l’aile E du pavillon Marie-Victorin. On n’en avait plus vu depuis des années.
Cela voudrait-il dire que les répliquants cherchent à s’insurger et ramener l’écriture manuscrite ? Se sont-ils infiltrés dans nos écoles ? Avec le temps, le travail des experts en médecine vétérinaire a rendu ces androïdes indissociables des autres humains à l’oeil nu.
Le principal problème découlant de leur infiltration serait la création d’un nouveau déséquilibre chez les des étudiants. En raison du passage au numérique, les médiums audios et vidéos sont de plus en plus préconisés, si bien que le taux d’analphabétisme fonctionnel, même à l’Université, dépasse de loin les statistiques de 2016, où il était estimé à 53 % au sein de la population québécoise.
Retour à la réalité
C’est un scénario peut-être alarmiste, mais l’histoire nous aura appris que les plus glauques dystopies de la science-fiction sont parfois à deux pas de la réalité. S’il faut encourager le développement de la recherche en sciences naturelles et en intelligence artificielle, on ne doit pas pour autant délaisser l’investissement dans les ressources pédagogiques. Lorsque les étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation doivent se donner eux-mêmes les outils pour passer des tests obligatoires à la pratique de leur futur emploi, on peut se demander si les bons outils sont à notre disposition. Et peut-être que la solution à long terme n’est pas de faire tirer des exemplaires d’un logiciel de correction aux participants dans un évènement ponctuel comme « Le français, c’est dans l’ADN de l’UdeM ».
Du reste, je cherche un réalisateur pour mettre en image mon scénario de science-fiction. Je pensais à Denis Villeneuve ; il serait sans doute capable de bien rendre ma vision au grand écran.
Etienne Galarneau.