Culture

Battlefield Records, pied de nez à l’ancienne étiquette

Petit miracle sur la scène underground, Extensive Enterprise entame sa onzième année d’existence en tant que promoteur de spectacles punk et hardcore à Montréal. Ne se laissant pas impressionner par les profondes mutations de l’industrie musicale à l’ère numérique, Jean-François Michaud, vice-président marketing chez Extensive, fait l’état des lieux de la scène montréalaise et évoque la renaissance de son étiquette de disque, Battlefield Records.

Les gros joueurs traditionnels n’assurent plus aucune présence auprès de leurs artistes. Là où les compagnies de disque s’occupaient auparavant de contacter les médias et d’organiser les tournées, c’est maintenant l’artiste qui doit veiller à sa propre promotion», déplore d’entrée de jeu Jean-François Michaud. Selon le vice-président marketing d’Extensive Enterprise, promoteur de spectacles sur la scène locale montréalaise, la mort de l’industrie musicale est depuis longtemps constatée.

Exemple parmi tant d’autres d’une déresponsabilisation progressive de l’industrie devant son produit, ce constat dissimule, pour Michaud, un état de fait qui ne surprend plus personne : «Le disque ne possède plus réellement de valeur en tant qu’objet. Malheureusement, personne ne veut baser un modèle d’affaires sur un produit que les gens ne sont pas prêts à acheter.»

Une première expérience

Aussi désolantes soient-elles, ces considérations n’empêchent pas Jean-François Michaud de relancer ce mois-ci son propre label, Battlefield Records. Le projet avait initialement vu le jour sous un ciel meilleur, au début des années 2000*. Au départ, il s’agissait essentiellement de lancer quelques compilations et albums de groupes d’amis.

Pourtant, face à l’émergence déjà très forte du support numérique, le projet peu viable a rapidement été mis de côté. Huit ans après cette première expérience, Michaud entrevoit aujourd’hui avec Battlefield Records la possibilité de mettre en oeuvre un modèle différent. Selon lui, un nouveau joueur doit désormais prendre le relais de l’industrie musicale. Quelqu’un qui ne serait ni une maison de disques, ni une agence de marketing, ni un promoteur, mais un peu tout cela à la fois.

Une affaire de famille

«Si les compagnies de disques n’osent plus prendre de risque financier avec les artistes émergents, déclare Michaud, mon expérience et mes contacts dans le domaine me permettent de pousser des groupes locaux sans avoir à investir. » Selon cette formule, les groupes assument eux-mêmes les coûts de production et de distribution, alors que Battlefield fournit le reste de la «machine » propre à l’étiquette de disques : promotion, diffusion, booking, etc. Somme toute, il s’agit là d’un échange de bons procédés, considérablement facilité par la démocratisation des milieux artistiques amorcée sur le web.

«Il n’est plus seulement question de gros capitaux, soutient le promoteur montréalais.Le domaine musical retombe progressivement dans les mains des artisans locaux, des musiciens et des labels indépendants. Bref, de tous les plus petits joueurs.» Optimiste, Michaud y voit l’occasion pour les artistes de créer une scène unie tout en conservant le plein contrôle de leurs projets.

En onze ans de travail, Extensive Enterprise s’est bâti une solide réputation à Montréal, offrant à des groupes peu connus la possibilité de partager la scène avec une longue liste d’artistes internationaux. Michaud place cet esprit de famille au centre des préoccupations de Battlefield: «Avant tout, nous voulons protéger les musiciens et éviter de créer une scène qui ne leur appartient plus.» Et avec une quinzaine d’événements à venir d’ici le mois de mai l’homme est à prendre au sérieux.

*Au début des années 2000, les grosses étiquettes jouissaient encore d’une aura de respectabilité. À l’époque, des maisons légendaires comme Epitaph ou Fat Wreck Chords fonctionnaient à plein régime et propulsaient chaque année de nouveaux groupes au sommet. C’est dans ce contexte florissant que Michaud crée Battlefield en 2003.

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