Quartier Libre : Quelle est la situation démographique actuelle au Québec ?
Jacques Légaré : Depuis quelques décennies, la population est vieillissante, mais elle n’est pas décroissante. Grâce à nos modes de vie et aux avancées médicales, les gens vivent de plus en plus vieux, et la proportion de personnes âgées et très âgées [NDLR : plus de 90 ans] est de plus en plus importante.
D’un autre côté, les jeunes générations sont plus petites, car les Québécois font moins d’enfants. De plus, les jeunes ont tendance à migrer vers d’autres provinces canadiennes ou vers d’autres pays pour trouver du travail.
Q.L. : Compte tenu de cette baisse démographique, à quels nouveaux défis les universités devront-elles faire face ?
J.-L. : Le Québec est une terre d’accueil, les universités ont toujours participé à cette politique en ouvrant leurs portes aux étudiants étrangers. Le problème, c’est qu’on reçoit beaucoup, tout en perdant beaucoup. Au Québec, les étudiants étrangers partent plus qu’ailleurs, on forme des migrants qui s’en vont ensuite. Ils décident soit de rentrer chez eux, soit d’immigrer dans une autre province, comme l’Alberta pour ses emplois dans le pétrole, ou encore dans une région du monde apte à leur offrir un mode de vie plus conséquent.
Cela traduit un dysfonctionnement dans le processus d’intégration sociale. Il faut développer, par exemple, une politique d’intégration linguistique et au marché du travail plus efficace qui permettrait aux jeunes migrants et Québécois de rester après leur formation.
Q.L. : Est-ce qu’il faudra que les universités québécoises s’internationalisent davantage ?
J.-L. : Oui. Une des solutions au vieillissement de la population et à la surcapacité des universités québécoises est l’immigration d’une population jeune. Les universités doivent continuer de recruter ailleurs qu’au Québec et continuer de séduire les étrangers, tout en les encourageant à rester.
Q.L. : À quoi la province doit-elle s’attendre dans les prochaines années ?
J.-L. : Selon une étude publiée dans un article de l’économiste Alain Dubuc, il y a près de 1 200 centenaires au Québec en ce moment, et ils seront 33 000 en 2031. Tandis que le nombre de jeunes diminue, la pyramide s’inverse et l’équilibre qui assurait le confort des personnes âgées est en train de se dégrader. Une problématique majeure dans l’actualité démographique. C’est une très bonne chose de pouvoir amener le Québec à une telle espérance de vie [NDLR : 82 ans], mais il faut s’assurer que ces gens ont un revenu décent, qu’ils restent en santé sans être dépendants de la société. Cette dernière n’a visiblement pas pris le virage du vieillissement de sa population, car les jeunes travailleurs québécois ne sont plus assez nombreux pour subvenir aux besoins des retraités. Il faut trouver une solution pour contrer ce déséquilibre.