Vous vous rappelez votre dernier automne? Non ? Moi non plus. Cette période bâtarde de l’année où il ne fait que pleuvoir n’offre souvent pas de très grands souvenirs. Pour construire sa vie comme un bon film, il faut avant tout y insérer une bande sonore qui tabasse. Demandez donc à Quentin Tarantino ou à Sofia Coppola ce qu’ils en pensent… J’étais parti pour m’installer au coin du feu et écouter du bon folk (Will Driving West, par exemple…), mais ce serait vraiment trop facile. Si on allait explorer du côté de la black music pour donner un peu de consistance à cette saison morne ?
Comme un bon whisky: à déguster seul plutôt que mal accompagné
Après avoir produit huit disques pour les CunninLynguists, Kno avait le goût de revenir derrière le micro… et on le comprend : sur les quatre dernières galettes du groupe, il n’avait pas lâché plus de quatre vers ! Pas tout à fait lassé de nous percer les tympans avec des beats millimétrés, le génie est de retour sur un très efficace Death Is Silent. Treize pistes tout droit sorties de la white trash America offrant des thèmes bien plus universels que ce que permet a priori l’étiquette hip-hop. Auteur, compositeur et interprète, le Kentuckien aborde des thèmes aussi variés que le sens de la vie, l’accomplissement de soi, la solitude… Le petit rappeur blanc n’a pas peur du noir : il se livre avec talent et éclabousse par sa capacité d’introspection. Les samples sont parfaitement choisis, les compositions sont impeccables… et il n’y a toujours rien à redire sur le choix des invités sélectionnés ! Les habitués du mid-under américain retrouveront d’ailleurs l’excellent Tonedeff sur I Wish I Was Dead ou le très prometteur Tunji sur Not at the End (entre autres). Les néophytes devraient eux prendre plaisir à découvrir une frange emo-rap trop peu exposée.
COUP DE COEUR: Rhythm of the Rain (feat. Tee Thom Hardy & Tunji)
À écouter lové dans les bras d’une belle un jour de pluie : sur un malentendu, ça peut marcher
Formé en 2002, The Foreign Exchange se compose de Phonte Coleman, rappeur et chanteur ainsi que de Nicolay, producteur hollandais. Les deux acolytes se sont rencontrés sur Internet et n’ont cessé de travailler à distance pondant deux chefs-d’oeuvre en 2004 et 2008. Pour l’élaboration du cru 2010, le procédé de fermentation a été quelque peu différent : le Néerlandais a en effet rejoint son partenaire de ce côté de l’Atlantique et le disque a pu être élaboré en temps réel. Ainsi, Authenticity dévoile une complicité toujours aussi déconcertante : Nicolay déverse son habituel flot de perles sonores, tandis que le vaillant Phonte impressionne toujours autant, que ce soit par ses talents vocaux (qui ne sont maintenant plus à démontrer) ou par ses quelques trop rares couplets rappés. Magistralement ouvert par la délicieuse Last Fall, l’album navigue tranquillement sur onze excellents morceaux, et ce, sans jamais verser dans le mélo-R’nB mielleux.
COUP DE COEUR: Maybe She’ll Dream of Me
À imposer à ses voisins de char pendant l’heure de pointe de quatre heures : le chantre du bon goût, c’est vous!
Last but not least: The show! Les Niceguys débarquent avec un premier album percutant ! Prenez le Kanye West de ses débuts (aux productions gavées de cuivres ravageurs), ajoutez quelques guitares aux accents bluesy et vous y êtes. Le groupe a beau arriver tout droit de Houston, cet album sonne comme une pièce «roc-a-fellesque » du New York des années 2000. Loin, très loin du phénomène Dirty South. Le phrasé est nonchalant mais percutant, l’instrumentation fruitée mais pêchue… Yves Saint et Christolf peuvent se féliciter : on balance la tête, on sourit et on apprécie le résultat limpide. The show ne réinvente pas le genre, mais le disque est diablement efficace : définitivement un musthave de cet automne.
COUP DE COEUR: It’s Like That