Audrée Wilhelmy : Une doctorante à la prose violente

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Par Élom Defly
mardi 30 octobre 2012
Audrée Wilhelmy : Une doctorante à la prose violente
« Je ne pense pas qu'on puisse considérer le livre comme un Catherine Millet ou un Nelly Arcan, ce n'est pas un livre qui va exciter le lecteur. » - Audrée Wilhelmy, auteure en lice pour l'obtention du Prix littéraire du Gouverneur général (Crédit photo : Courtoisie Audrée Wilhelmy)
« Je ne pense pas qu'on puisse considérer le livre comme un Catherine Millet ou un Nelly Arcan, ce n'est pas un livre qui va exciter le lecteur. » - Audrée Wilhelmy, auteure en lice pour l'obtention du Prix littéraire du Gouverneur général (Crédit photo : Courtoisie Audrée Wilhelmy)

Une étudiante au doctorat voit son premier texte de fiction en lice pour l’obtention du Prix littéraire du Gouverneur général. Violence, viol et érotisme composent l’atmosphère qui règne dans Oss d’Audrée Wilhelmy. Pour l’auteure de 27 ans, ce livre est le fruit de deux années de travail acharné.

Audrée Wilhelmy croit en ses chances de remporter le prix dans sa catégorie «romans et nouvelles». Selon elle, ce prix lui servira de tremplin pour se faire un nom dans le milieu littéraire québécois. Son objectif est d’enseigner la création littéraire à l’université. « Gagner un prix de 25 000 $ me permettrait d’écrire pendant une année», ajoute l’auteur rencontrée par Skype alors qu’elle est en session d’écriture créative à l’Université de Boston.

Le Prix littéraire du Gouverneur général qui en est à sa 75e édition récompense annuellement les meilleurs ouvrages publiés en anglais et en français au Canada. Chaque année, près de 1600 livres sont soumis par les éditeurs canadiens dans sept catégories différentes. Le livre d’Audrée Wilhelmy est en concours avec, entre autres, Les derniers jours de Smokey Nelson de Catherine Mavrikakis, professeure de création littéraire au Département de littérature de langue française à l’UdeM. Un jury composé d’auteurs, de traducteurs et d’illustrateurs déterminera le gagnant le 13 novembre prochain.

C’est dans le cadre de sa maîtrise en création littéraire à l’Université McGill qu’Audrée commence Oss. Elle a dû écrire environ 1 500 pages pour arriver à un livre d’à peine 100 pages. « J’écris le matin et le soir, je fais du thé ou du chocolat chaud, je regarde par la fenêtre de ma chambre et j’écris », répond l’auteure. Une rencontre lors de ses études avec le professeur Pascal Brissette a été déterminante. « C’est un professeur extraordinaire. Ça a été le meilleur hasard de toute ma vie ! » ajoute Audrée, qui est maintenant au doctorat en études et pratiques des arts* à l’UQAM.

Conte cruel

Il est difficile de ranger Oss sous un genre précis. Dans sa critique du 11 octobre 2011, la journaliste Sophie Gall du Soleil qualifiait le roman de conte « cruel », « d’érotique » et «d’amoral». «C’est l’histoire d’un jeune homme qui, à travers la violence de plusieurs actions qu’il pose, va devenir un homme, explique l’écrivaine. Puis, c’est l’histoire de Noé, une jeune fille, qui va subir cette violence pour permettre à l’autre d’avancer»

L’auteure estime que son oeuvre est un conte initiatique qui touche au genre du récit et du roman. Audrée souligne que si elle est arrivée à rendre compte de tant de violence, c’est parce qu’elle est une personne heureuse et épanouie. « J’ai réussi à mettre en scène le regard de Noé qui est un regard détaché par rapport à la violence précisément parce que moi-même je n’en ai pas du tout vécu », avoue-t-elle.

Outre la violence, il est impossible de passer à côté de l’érotisme dans Oss. Pourtant, l’auteure dont la thèse doctorale porte sur la violence et l’érotisme affirme que ce n’est pas l’objectif principal du livre. Elle a voulu mettre en rapport l’érotisme décalé et la violence. «Je ne pense pas qu’on puisse vraiment considérer le livre comme on pourrait considérer un Catherine Millet ou un Nelly Arcan, ce n’est pas un livre qui va exciter le lecteur», prévient-elle.

Noé, la jeune fille qui se retrouve au centre de cette violence et de cet érotisme, Audrée Wilhelmy la voulait ambiguë. Elle affirme qu’elle n’est pas vraiment une victime puisqu’elle va vers ses agresseurs et appelle une certaine violence. « La violence qu’elle subit semble faire plus de mal à ceux qui la lui infligent», souligne Wilhelmy. D’ailleurs, la jeune auteure confie qu’elle doit le succès de Oss à l’ambiguïté de ses personnages. «Le principal intérêt du livre réside dans le fait qu’il n’y a pas de jugements moraux qui sont posés sur les personnages, affirme-t-elle. On ne sait pas dans quelle mesure les victimes sont des victimes et les bourreaux sont des bourreaux.»

L’auteure – qui puise son inspiration chez Alessandro Baricco et Michel Tournier – travaille actuellement sur la rédaction de son deuxième roman inspiré du conte de Barbe bleue, et ce, même si un roman d’Amélie Nothomb portant sur le même conte vient tout juste de paraître au mois d’août.

«J’ai lu les premières pages du roman d’Amélie Nothomb et elle semble procéder à une réécriture exacte du conte, avec la jeune femme qui rencontre un homme riche dont on ignore ce qui est arrivé aux anciennes locataires, explique-t-elle. Dans mon projet, Barbe bleue est un conte qui sert d’inspiration, mais on n’en trouvera plus la trace dans le roman. Ce que j’écris, c’est l’histoire d’un homme qui a assassiné sept femmes, et qui, à la fin de sa vie, nous donne accès aux journaux intimes de ces sept femmes-là. »

Elle espère finir son roman avant l’automne prochain.

*:Rectification 2 novembre 2012.