Amour. Aquarelles multiples, insaisissable.
Fruit du coeur, de la passion,
de l’intérêt. Mer avide qui,
faute d’y naviguer, nous siphonne sans
ambages vers la noyade et l’inertie. Persistant,
s’implante partout, tout le temps, à tout
moment. L’homme n’a pas le choix : il doit
aimer. C’est ce qui lui donne le plaisir de
vivre, d’exister. C’est ce qui fait de l’amour le
thème le plus beau, le plus laid, et le plus
compliqué.
Amour d’une quête. Victor Hugo disait :
«L’amour fait songer, vivre et croire. Il a
pour réchauffer le coeur un rayon de plus
que la gloire, et ce rayon, c’est le bonheur.»
Sublime. Mais, si la quête de l’amour suppose
cette recherche du bonheur, donc le bonheur
suppose-t-il en quelque sorte la vie ? La vie
traduirait donc que l’on est quelque part heureux.
Le bonheur suppose-t-il alors que l’on
s’aime, soi-disant… un peu ? Ces questionnements
forment l’apanage principal de l’être
sensible, de l’humain, de l’artiste. Et Hugo
encore : «Oh! l’amour d’une mère, amour
que nul n’oublie.» L’amour inconditionnel,
quoi. L’être humain serait donc conçu pour…
aimer ? Et que dire de Freud, pour qui la psychose
dépressive provenait de cette carence à
ne pouvoir aimer ?
Amour de l’art. Il est le leitmotiv des peintres,
l’ambroisie des poètes. Jacques Prévert écrivait
: « Je dis tu à tous ceux que j’aime,
même si je ne les ai vus qu’une seule fois.
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment, même si
je ne les connais pas.» L’amour ne se saisit
pas. Il s’observe. On y touche parfois, mais,
foisonnant, il échappe. Tellement fuyant qu’il
est le moteur de l’art, qui en consomme jusqu’à
la démesure. C’est guidé par l’amour de
cette Gala Dali qu’Éluard coucha sur papier
ses maux gorgés de non-sens. C’est aussi
guidé par l’amour d’une certaine Joan
Mitchell que Riopelle donna un peu de son
odeur aux cimaises muséales québécoises.
Tableau vivant, ombre cadavérique : l’amour
n’est pas toujours beau, mais en art, il est toujours
présent. Comme quoi il est tributaire
des pires chansons, tout en étant l’auteur des
plus belles.
Amour de la sagesse. « Aimer, c’est se
réjouir», affirmait Aristote. L’amour provient
de nos jouissances, de nos joies, de nos
acquis. «L’amour n’est autre chose que la
joie, accompagnée de l’idée d’une cause
extérieure», disait Spinoza. L’amour des arts,
du sport, de l’existence. Et il complète: «Nous
voyons également que celui qui aime s’efforce
nécessairement de se rendre présent
et de conserver la chose qu’il aime ».
Comme quoi, dirait Compte-Sponville, «il y a
d’autres passions qu’amoureuses, d’autres
amours que passionnelles.» L’amour est ce
qui m’entoure, ce que vous êtes, ce que je
suis.
Amour. Le thème le plus beau, le plus laid, et
le plus compliqué.