Après la chasse : loupe sur la revictimisation et la culture de l’annulation

Sorti en salle le 17 octobre dernier, Après la chasse raconte l’histoire d’Alma, professeure d’université (Julia Roberts), et de son collègue Hank (Andrew Garfield), qui aurait agressé sexuellement son assistante, Maggie (Ayo Edebiri). La véracité des accusations portées par cette dernière est laissée à l’interprétation du public tout au long du film, car le crime n’est jamais montré.

Après la chasse est monté pour tenir un miroir devant l’audience, afin de lui faire vivre le même malaise que vit le personnage d’Alma. La réalisation de Luca Guadagino soutient celui-ci, alors que ce dernier réitère ses choix douteux face aux victimes.

Le filmreprend le style de son précédent long métrage, Appelle-moi par ton nom, dans lequel il illustre également des relations de pouvoir. Un style lassant, frustrant et lourd, qui peut réactualiser un trauma lié à ce type de violences.

Brouiller les pistes

Le récit se poursuit par une longue allégorie et se veut une critique de la culture de l’annulation (ou cancel culture). Comprendre où le film penche sur la question des dénonciations est souvent difficile. L’œuvre donne en effet l’impression de banaliser les violences que subit Maggie, et la narration laisse entendre que pour gagner, les victimes se doivent de garder le silence.

Le tribunal de l’opinion populaire devient alors le seul recours pour qu’un semblant de justice soit fait, laissant le public avec deux questions : quel est le rôle réel du système de justice et comment les victimes s’y retrouvent-elles ?

Après la chasse demande au public de prendre parti dans un tribunal populaire, pendant que Maggie souffre atrocement. Le récit risque même de faire croire qu’un désir de vengeance la nourrit, alors qu’elle recherche sans succès du soutien auprès de ses mentors.

Avant d’incarner Maggie, Ayo Edebiri (à gauche) a notamment joué le rôle de Sydney Adamu dans la série The Bear. © Photo courtoisie d’Amazon MGM Studios

Dans une histoire de vilénie, de méchanceté dans sa forme la plus cachée, le jeu des acteur·rice·s est, sans surprise, excellent. Andrew Garfield arrive même pour la première fois de sa carrière à profondément irriter le public. Son personnage, Hank, est douteux et détestable. Alma, quant à elle, incarne un personnage auquel le public le plus antiwoke pourra s’identifier.

Le film démontre efficacement que les victimes elles-mêmes pourraient ne pas se rendre compte qu’elles le sont, dans un système qui les laisse tomber et où elles ne peuvent pas trouver de soutien.

Même à travers ses débordements, Après la chasse est un rappel : la société est encore malade, et les mouvements de dénonciations restent nécessaires. Ils le sont pour la collectivité, qui doit cesser de se taire pour briser les silences, afin d’aider les victimes de manière juste et adéquate.

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